Réponse au discours de réception de José-Maria de Heredia

Le 30 mai 1895

François COPPÉE

Réponse de M. François Coppée
au discours de M. José-Maria de Heredia

DISCOURS PRONONCÉ DANS LA SÉANCE PUBLIQUE
le jeudi 30 mai 1895

PARIS PALAIS DE L'INSTITUT

Monsieur,

Si nous étions encore au XVIIe siècle, au temps où les harangues académiques étaient fort courtes, nous aurions pu, puisque un heureux coup du sort met deux poètes en présence, nous borner à échanger deux sonnets ; et, non contents de résumer en quatorze vers, vous, l’éloge de votre prédécesseur, moi, mon compliment de bienvenue, nous aurions encore fait tenir, dans cet espace exigu, afin de nous conformer à la tradition, une parole flatteuse pour le roi et une allusion reconnaissante à la mémoire du grand cardinal.

Mais l’usage ne nous permet plus d’être si laconiques ; laissez-moi m’en féliciter. Et cela, pour trois raisons. D’abord, dans ce duel au sonnet, j’eusse été certainement vaincu. Puis l’assemblée n’aurait pas entendu l’éloquent discours que vous venez de prononcer. Enfin, je serais privé du plaisir de parler de ce que tous les deux nous aimons le plus au monde, c’est-à-dire de la poésie, et de ce que nous regrettons chaque jour davantage, c’est-à-dire de notre jeunesse.

Il y a une trentaine d’années, un groupe de poètes, dont vous faisiez partie, se donnait rendez-vous, tous les samedis soirs, chez un de leurs aînés qu’ils admiraient entre tous. Victor Hugo étant encore en exil, ils allaient chez celui qui représentait le plus hautement la poésie, devançant ainsi, d’instinct, le jugement de l’Académie française ; car elle devait, par la suite, donner la place de l’auteur de la Légende des Siècles à l’auteur des Poèmes barbares. De même qu’un pieux musulman de Tunis ou de Sfax, à qui des raisons majeures interdisent le voyage de la Mecque, va souvent faire ses dévotions à Kairouan, la ville sainte la plus proche, de même, Guernesey étant trop loin, ces fervents de l’art accomplissaient du moins, un pèlerinage périodique au logis hospitalier de M. Leconte de Lisle.

Au début de votre discours, vous avez évoqué sa mémoire, et vous avez eu raison. En attendant que son œuvre et sa vie soient louées ici même avec ampleur, la place de disciple favori, d’ami tendre et dévoué, que vous avez toujours occupée auprès de lui, vous donnait le droit de le rappeler dès aujourd’hui à nos souvenirs ; et vos paroles discrètement émues ont trouvé, n’en doutez pas, un écho dans nos cœurs qui gardent le deuil du noble poète.

Ces soirées chez M. Leconte de Lisle sont comptées, pour tous ceux qui s’en étaient fait alors une chère habitude, parmi les plus belles heures de leur jeunesse. Assisté de sa gracieuse femme, notablement plus jeune que lui, et qu’il traitait avec une paternelle et touchante douceur, le maître, alors dans toute la force de l’âge, accueillait cordialement ses amis, et son sourire, ironique en d’autres occasions, se faisait bienveillant pour eux. En lui, tout était imposant, son visage olympien, sa vie étroite, sévère et si dignement acceptée, tout, jusqu’à cette demi-obscurité dans laquelle le laissait un public trop frivole. L’honneur de réparer cette injustice et de mettre Leconte de Lisle au rang qu’il méritait d’occuper, c’est-à-dire au premier rang, était réservé à notre Compagnie. Mais de cette coupable indifférence de l’opinion, il était dès lors vengé par le respect et l’affection de ses jeunes admirateurs, parmi lesquels vous étiez l’un des plus ardents. Aujourd’hui, sous les cheveux gris, vous gardez et ils gardent tous la joie de penser que l’enthousiasme de leurs vingt ans ne se trompait pas et qu’il a consolé, en des heures amères, le talent méconnu.

Les membres de ce petit cénacle sont demeurés fidèles à la poésie. La plupart occupent à présent, dans le monde littéraire, une place distinguée, et j’en compte jusqu’à trois sous cette coupole. Je vois d’abord et je salue, assis auprès de vous, le poète au cœur si tendre, à l’âme si pure et si haute qui est, lui aussi, un maître du sonnet et qui a fixé, en des vers impérissables, l’idéal de justice et de bonheur qu’il rêve pour l’humanité ; et le hasard, qui n’a pas toujours de si bons caprices, m’a choisi pour vous accueillir. Ainsi trois Parnassiens, — puisqu’on s’obstine à nous désigner ainsi, — trois Parnassiens sont devenus académiciens — pour le plus grand triomphe de la rime riche.

Je voudrais essayer de fixer quelques traits de votre physionomie d’alors. Vous me pardonnerez cette fantaisie ; car la mélancolie n’est pas sans douceur qu’on éprouve à revoir un vieux portrait de soi-même, du temps qu’on avait vingt ans. Je m’empresse d’ajouter que vous ressemblez toujours à ce portrait, et que, par un heureux privilège de votre caractère et de votre tempérament, vous êtes resté jeune.

Le mot sympathie est insuffisant pour exprimer le sentiment que vous inspiriez à vos camarades vous exerciez sur eux une véritable séduction. Bon, franc, généreux, vous aviez cette loyauté du regard, cette cordiale chaleur de la poignée de main qui gagnent d’abord tous les cœurs. Chez vous, l’enthousiasme et la gaîté s’épanouissaient avec une exubérance pour ainsi dire tropicale. Vous aviez ce charme particulier que votre entrain fougueux, votre belle humeur intarissable gardaient toujours le ton de la meilleure compagnie, et qu’en vous s’alliaient, le plus naturellement du monde, un gentilhomme accompli et un bon garçon. Les poètes, vos amis, n’ignoraient pas que vous étiez issu de la meilleure noblesse d’Espagne, que vous sortiez d’une antique souche dont une branche avait pris racine et fleuri dans le sol brûlant de l’île de Cuba. Ils le savaient, et ils vous aimaient avec cette nuance qu’ils étaient fiers de vous. Non pas, certes, par mesquine vanité. Mais ces néo-romantiques éprouvaient un plaisir extrême à prononcer votre nom exotique et sonore, qui aurait fait si bonne figure dans les tirades blasonnées de Ruy Blas et d’Hernani ; et, tous, ayant une origine plus humble et moins pittoresque, se réjouissaient qu’un des leurs comptât parmi ses ancêtres des conquérants du Nouveau Monde et des Grands Inquisiteurs.

Cependant il n’y avait pas seulement dans votre personne et dans votre esprit la noblesse de l’hidalgo et la grâce du créole ; et il était facile de reconnaître que, par des liens intimes et profonds, vous apparteniez au cher pays qui, en vous adoptant, vient d’ajouter à sa parure. Vous y étiez venu dès l’enfance, avec votre digne mère, elle-même française par le sang, avec l’admirable femme qui vous a tant aimé et pour qui vous fûtes un fils si pieux et si tendre. C’est aux portes de Paris, à Senlis, chez de bons et savants prêtres, que vous aviez fait de fortes humanités. Vous sortiez enfin de notre École des Chartes, et vous aviez soulevé cette féconde poussière des archives, d’où s’évoque et ressuscite le spectacle du passé. Là, certainement,vous avez contracté ce besoin d’exactitude, ce respect de la vérité, qui font que le poète est, chez vous, doublé d’un historien.

Mais ce qui, plus que tout le reste et dès vos débuts, prouvait que vous étiez français, sinon par la naissance, du moins par votre nature même, c’était une qualité qui, nous pouvons le dire, est essentiellement nationale, c’était le goût. Il est assez rare chez les jeunes écrivains. Leur imagination ardente, leur généreuse admiration des maîtres dont ils imitent d’abord les défauts, leur désir très légitime de découvrir du neuf et de l’original, les exposent à tomber dans la manière et dans l’outrance. Mieux et plus tôt que quiconque, vous avez évité cet écueil, et dès vos premiers essais, votre goût se révéla, infaillible et exquis. Il se manifestait du reste dans tous vos actes, dans votre conversation dont la verve charmante ne se dissipait pas en vains paradoxes, jusque dans la libre, mais toujours correcte élégance de votre personne. Vous eûtes vraiment, Monsieur, une admirable jeunesse ; car vous ne viviez que pour l’art et pour la beauté. Quand vous lisiez une page, quand vous étiez en présence d’une statue ou d’un tableau, quand vous touchiez seulement l’ivoire ou le bronze d’un bibelot de prix, l’émotion de votre voix, l’épanouissement voluptueux de votre regard, la crispation caressante de vos doigts, tout trahissait en vous le plus délicat et le plus passionné des amateurs.

J’ai dit le mot, mais il n’a, dans ma pensée, soyez-en convaincu, rien que de flatteur pour vous. D’ailleurs un dérivé du mot « amour » saurait-il jamais être pris en mauvaise part ?

Tel que je le conçois, le poète amateur— quand il a du talent, bien entendu — m’apparaît comme le plus pur des poètes. Le culte de son art est chez lui tout à fait désintéressé. Il écrit pour lui seul, pour sa propre joie, et ne montre ses vers qu’à un cercle restreint de connaisseurs et d’amis. Ne songeant point à publier, il ne s’inquiète pas du succès, est incapable de la moindre concession à la mode et au public. Sans nulle ambition, même celle de la gloire, il ignore l’envie, le plus hideux des vices littéraires. Il n’a, par conséquent, aucun des travers et des ridicules professionnel, et il est précisément le contraire de ce qu’on appelait jadis un auteur fieffé. Il attend l’inspiration, ne rime jamais malgré Minerve. Tout ce qu’on pourrait lui plus reprocher, c’est d’être un peu paresseux. Mais cette paresse même est féconde ; elle favorise l’éclosion normale de la pensée et laisse à la forme le temps de se cristalliser autour d’elle. C’est avec lenteur qu’on taille les diamants.

Sans doute, il y a le précepte cher à Victor Hugo : Nulla dies sine linea, et l’on nous a conté que lord Byron composait cinquante vers tous les matins, en se faisant la barbe. Ce sont là des disciplines de travail bonnes seulement pour les hommes de génie. Le poète amateur, ou — si le mot vous déplaît — le poète exclusivement artiste, adopte une tout autre méthode. Il n’est pas pressé. Le mot et la pensée tombent de sa plume lentement, difficilement, comme d’un compte-gouttes, mais c’est le mot juste et rare, c’est la pensée précieuse et essentielle. Les courts poèmes où il condense beaucoup de poésie sont pareils à ces étroits flacons d’Orient, pleins d’un parfum si puissant qu’il embaume à travers le cristal. Alceste a raison. Le temps ne fait rien à l’affaire. Qu’importe que la plaque de cuivre traîne pendant des mois sur l’établi, pourvu que l’artiste reprenne de temps en temps son pinceau et sa lampe et fixe dans l’émail des images d’un magnifique et durable éclat. C’est un merveilleux don chez un poète que l’abondance ; mais le seul but de l’art, c’est la perfection. À toutes les pages de votre unique livre de vers, Monsieur, vous l’avez atteinte.

La qualité d’un voyageur, pas plus que celle d’un académicien, ne se mesure au poids de son bagage. Il ne semblait jamais trop mince, s’il faut en croire la légende, à nos prédécesseurs de l’autre siècle, pour peu que le candidat fût bien en cour et eût le cordon bleu ; et le marquis de Saint-Aulaire fut des nôtres, dit-on, pour un quatrain, d’ailleurs charmant, mais dont je ne me charge pas d’expliquer, devant les dames, le galant sous-entendu.

Heureux temps, où l’on pouvait devenir fameux pour une épigramme ou pour un madrigal ! Vous le fûtes presque, Monsieur, à notre époque plus exigeante, dès vos premiers sonnets.

C’est une chose remarquable que vous ne songiez même pas alors à les publier. À peine en aviez-vous donné quelques-uns à des revues rédigées par des jeunes gens, feuilles printanières que fait vite choir un automne prématuré. Mais entre amis, vous lisiez volontiers vos vers. C’était assez pour qu’ils se répandissent. Ceux qui les avaient lus ou entendus les gardaient dans leur mémoire, les faisaient connaître autour d’eux, les mettaient en circulation. Vous eûtes longtemps ceci de commun avec les aèdes primitifs, que vos poésies n’étaient célèbres que par la transmission orale. Combien de fois ne m’est-il pas arrivé, à moi qui vous parle, de demander à un poète dont je faisais rencontre : « Connaissez-vous le dernier sonnet de Heredia ? » Et quand il me répondait non, de le lui dire, de le lui répéter, avec le plaisir du collectionneur qui montre et fait admirer sa récente trouvaille. Les lettrés ont connu vos vers avant qu’ils fussent imprimés, et vous ne les aviez pas encore réunis en volume que déjà la presse s’en préoccupait, jugeait et admirait votre œuvre éparse. Selon l’expression d’un critique d’infiniment d’esprit, qui, dès lors, vous consacra lui-même quelques-unes de ses pages les plus délicates, vous avez été, pendant de longues années, à la fois célèbre et inédit.

C’était une fortune extraordinaire, mais non pas sans danger. Sans rappeler l’histoire du bonhomme Chapelain, dont très probablement nous n’avons lu les œuvres ni l’un ni l’autre, la publication d’un livre très annoncé, très loué d’avance, offre toujours un certain péril. Sans doute, vous étiez tout à fait innocent du bruit soulevé autour de votre œuvre, et la seule beauté des fragments connus en était cause. Vous n’en étiez pas moins inquiet. De plus, cette forme du sonnet, que vous aviez adoptée presque exclusivement, vous inspirait un autre souci. Tant de sonnets à la fois ! Vous redoutiez le reproche de monotonie. Ces scrupules, je le crois bien, vous ont longtemps empêché d’écrire l’imprimatur sur votre manuscrit. Mais vos craintes étaient chimériques. Les médailles que vous frappez ne sont semblables que par le diamètre et le titre du métal. Avec une maîtrise puissante et subtile, vous savez en varier les ornements et les effigies. Quand vous avez mis sous les yeux de tous ce trésor poétique, on a bien constaté que les pièces étaient du même prix et d’un or aussi pur, mais encore qu’il n’y en avait pas deux pareilles et que chacune d’elles était un parfait objet d’art. Le succès de vos Trophées fut, comme le titre, triomphal.

Non, ce n’était pas trop de trente ans pour produire ce livre splendide comme un vitrail. Car non seulement chacun de vos sonnets, par la conception héroïque, par la richesse et l’éclat des images, par la magnificence du verbe, par le choix exquis des rimes, par la musique des moindres syllabes, non seulement, je le répète, chacun de vos sonnets est un chef-d’œuvre, mais leur ensemble présente une composition qui, pour n’avoir pas été cherchée, n’en est pas moins harmonieuse. Vos Trophées, c’est une sorte de Légende des Siècles en sonnets. Ce voyage à travers les âges que Victor Hugo fit à vol d’aigle, vous l’accomplissez à votre tour avec les courtes haltes d’un oiseau migrateur. Vous ne peignez pas à fresque ; mais, en vos cadres étroits, vous ressuscitez toute la beauté d’un mythe aboli, toute l’âme d’un siècle mort, tout le pittoresque d’une civilisation disparue. Après la Grèce et la Sicile, voici Rome, voici les Barbares, le Moyen Âge, la Renaissance. Le cycle est complet ; vous avez fait le tour de l’histoire.

J’aimerais ici à feuilleter votre livre et à en relire quelques pages, à refaire avec vous cette course poétique dans le passé, à admirer les exploits d’Hercule, à bondir derrière la chasse d’Artémis, à suivre au ciel le vol silencieux du cheval ailé emportant à travers les astres le groupe des amants héroïques, Persée et Andromède. Pénétrant dans l’intimité du monde antique ; nous ferions ensemble, sur la tombe d’une sauterelle,

Une libation de gouttes de rosée,

et nous sacrifierions un jeune bouc au dieu des jardins. Je vous suivrais à Rome, et jusque sur la galère de Cléopâtre, où vous me montreriez, reflété dans les yeux de la reine d’Égypte, tout le désastre d’Actium. Puis vous déchiffreriez pour moi les caractères effacés d’inscriptions deux fois séculaires. Franchissant les siècles, vous me mèneriez ensuite à Florence, et, devant l’étal d’un orfèvre du Ponte-Vecchio, nous choisirions une aiguière ou un stylet. Enfin, embarqués sur la caravelle de votre aïeul le Conquistador, nous regarderions monter dans les espaces mystérieux du ciel occidental

Du fond de l’océan des étoiles nouvelles.

Mais pour citer, il faudrait choisir ; et tous vos sonnets se valent. Si je commençais, je ne m’arrêterais plus. Ce serait renouveler l’aventure du panier de cerises dont parle Mme de Sévigné, avec cette différence que tous les fruits de votre inspiration sont égaux en saveur et en beauté. Ah ! Monsieur, vous mettrez un jour dans un cruel embarras les faiseurs de florilèges !

Il est impossible pourtant que dans cette fête littéraire, qui vous est consacrée, quelques-uns de vos vers ne retentissent point. Mais je ne veux pas choisir. Je ne chercherai pas à devancer le travail d’abeille de l’anthologie. Comme un Arabe ouvre le Coran avec son sabre, sûr d’y trouver toujours la solution du cas de conscience qui l’embarrasse, c’est au hasard que j’ouvrirai vos Trophées, certain de tomber toujours sur une belle page.

LE RÉVEIL D’UN DIEU

La chevelure éparse et la gorge meurtrie,
Irritant par les pleurs l’ivresse de leurs sens,
Les femmes de Byblos, en lugubres accents,
Mènent la funéraire et lente théorie.

Car sur le lit jonché d’anémone fleurie
Où la Mort avait clos ses longs yeux languissants,
Repose, parfumé d’aromate et d’encens,
Le jeune homme adoré des vierges de Syrie.

Jusqu’à l’aurore ainsi le chœur s’est lamenté.
Mais voici qu’il s’éveille à l’appel d’Astarté,
L’époux mystérieux que le cinname arrose.

Il est ressuscité, l’antique adolescent !
Et le Ciel tout en fleur semble une immense rose
Qu’un Adonis céleste a teinte de son sang.

Après l’évocation de ce beau mythe, je rencontre, toujours sans choisir, cette épitaphe, où est exprimée délicieusement la tristesse de l’âme antique devant les ténèbres de la mort.

LA JEUNE MORTE

Qui que tu sois, Vivant, passe vite parmi
L’herbe du tertre où gît ma cendre inconsolée ;
Ne foule point les fleurs de l’humble mausolée
D’où j’écoute ramper le lierre et la fourmi.

Tu t’arrêtes ? Un chant de colombe a gémi.
Non ! qu’elle ne soit pas sur ma tombe immolée !
Si tu veux m’être cher, donne-lui la volée.
La vie est si douce, ah ! laisse-la vivre, ami.

Le sais-tu ? sous le myrte enguirlandant la porte,
Épouse et vierge, au seuil nuptial, je suis morte,
Si proche et déjà loin de celui que j’aimais.

Mes yeux se sont fermés à la lumière heureuse,
Et maintenant j’habite, hélas ! et pour jamais,
L’inexorable Érèbe et la Nuit Ténébreuse.

Il est moins à plaindre, l’orfèvre florentin dont le voluptueux génie a jadis compromis le salut éternel. Car il peut, sur le tard, expier ses beaux péchés par une œuvre pie.

LE VIEIL ORFÈVRE

Mieux qu’aucun maître inscrit au livre de maîtrise.
Qu’il ait nom Ruyz, Arphé, Ximeniz, Becerril,
J’ai serti le rubis, la perle et le béryl,
Tordu l’anse d’un vase et martelé sa frise.

Dans l’argent, sur l’émail où le paillon s’irise,
J’ai peint et j’ai sculpté, mettant l’âme en péril,
Au lieu de Christ en croix et du saint sur le gril,
O honte ! Bacchus ivre ou Danaé surprise.

J’ai de plus d’un estoc damasquiné le fer
Et, pour le vain orgueil de ces œuvres d’Enfer,
Aventuré ma part de l’éternelle Vie.

Aussi, voyant mon âge incliner vers le soir,
Je veux, ainsi que fit Fray Juan de Ségovie,
Mourir en ciselant dans l’or un ostensoir.

Mais je dois me borner. Et puis, en considérant l’auditoire d’élite qui nous entoure, je me rappelle que les beaux vers que je viens de relire chantent certainement dans tous les souvenirs. Si j’avais, tout à l’heure, bronché sur une seule rime, on me l’eût immédiatement soufflée.

Je constate ici ce privilège du sonnet. On le sait par cœur. Deux quatrains suivis de deux tercets, cela se grave facilement dans toutes les mémoires. J’irai plus loin que le vieux Despréaux. Même avec une petite tache ou deux, un sonnet vaut beaucoup mieux et beaucoup plus qu’un long poème, du moins au point de vue du succès et de la durée. L’ennui, gardien sévère, veille au seuil de la Henriade, tandis que tous les lettrés peuvent réciter le fameux sonnet de Desbarreaux, qui commence par ce vers :

Grand Dieu, tes jugements sont remplis d’équité.

Ils sont rares ceux qui connaissent le seul titre de la Mérovéide ou de la Panhupocrisiade de Lemercier. Mais aucun de nous n’a oublié la jolie plainte de son contemporain Arvers. Sans doute, nous ne sommes plus au siècle de Benserade et de Voiture, où deux sonnets divisaient la Ville et la Cour, où la maison de Conti était jobeline, et l’hôtel de Longueville uranien. Nous ne nous passionnons plus à ce point pour des sonnets. Pourtant, sans parler des vôtres, il en est, à notre époque prosaïque, qui sont allés très vite et très loin sur le chemin de la renommée. Au collège, on m’a donné comme matière de vers latins — car nous sommes du temps des vers latins — les Rêves ambitieux de Soulary, dont le livre venait de paraître à peine ; et comme j’étais fort malhabile à piller le Gradus, j’ai failli alors prendre très injustement en grippe ce sonnettiste accompli. Je vénère, nous vénérons tous comme de grands ancêtres les hommes de la Pléiade. Cependant, — disons-le tout bas, — nous reculons parfois devant leurs œuvres in-quarto. Mais tout amoureux aux tempes grises est pénétré d’une émotion profonde, en se répétant le délicieux sonnet de Ronsard vieillissant à sa jeune amie.

Gloire poétique, fortune de mer ! Combien de livres de haut bord, de poèmes à trois ponts, firent piteusement naufrage ! Souvent, une seule chaloupe se sauve, épave et témoin du désastre. C’est la pièce courte, le sonnet. Vous en avez armé toute une escadrille, et, à la façon dont elle tient la mer, elle est sur la bonne route pour aborder aux lointains rivages de la postérité.

Vos compagnons de jeunesse auront-ils le même bonheur ? Rien n’est plus dangereux que de faire le prophète, et je ne sais quel jugement porteront les critiques du XXe siècle sur le groupe des poètes qui publièrent leurs premiers vers, en 1866, dans le recueil intitulé le Parnasse contemporain. Tout ce qu’on peut prévoir, hélas ! avec la certitude de ne pas se tromper, c’est que, pour ceux-là comme pour tous, la postérité sera sévère. Quoi de plus mélancolique qu’un regardera arrière jeté sur la littérature ? Partout des ruines, et celles qui datent d’hier ne sont pas toujours les moins écroulées.

On peut espérer cependant qu’il restera quelques vestiges du monument poétique qu’érigèrent les Parnassiens. Ils arrivaient tard, au déclin d’un siècle où le génie français avait certainement donné sa plus belle et sa plus opulente moisson de lyrisme. Était-il possible, à ces ouvriers de la dernière heure, d’aller plus loin dans l’idéal que Lamartine, dans l’imagination que Victor Hugo, dans la passion qu’Alfred de Musset ? Non, certes. Mais le génie n’a pas toujours le temps ni la patience de concentrer son effort et de le diriger vers la perfection absolue. Et Lamartine est souvent bien vague, Hugo bien obscur, Musset bien négligé. Les poètes des générations suivantes, Gautier, Banville, Baudelaire, Leconte de Lisle, et après eux, les Parnassiens, leurs disciples désespérant d’atteindre jusqu’aux sommets quelquefois voilés de brumes se sont arrêtés à mi-côte, dans une région moins sublime sans doute, mais toujours baignée de clarté. Leur œuvre, exécutée en plein jour, fut pure et précise. Gardant une admiration enthousiaste pour les grands initiateurs de la poésie moderne, mais n’ayant pas leur magnifique impétuosité, ils s’efforcèrent du moins de n’exprimer que l’essentiel de leur pensée en des vers aussi parfaits que possible. Ils acceptèrent dans toute leur sévérité les lois du style et de la métrique, vouèrent à la forme un culte attentif et constant. C’est ce qui les distingue, et ce qui les honore.

L’excellence d’une discipline intellectuelle qui a produit Émaux et Camées, les Poèmes antiques et tant de pages des Cariatides et des Fleurs du mal, n’a, depuis longtemps, plus besoin d’être démontrée. Les Parnassiens l’adoptèrent ; et, tout d’abord, la critique leur en fit un crime. Elle leur enjoignit durement d’avoir du génie, — ordre plus facile à donner qu’à suivre ; — et, avec cette bonne foi qui s’étonne de ne pas voir des prunes sur les cerisiers, elle blâma ces irréprochables artistes de n’être pas des improvisateurs désordonnés. Elle ne leur épargna pas non plus ses ironies, leur infligea, par dérision, ce nom de Parnassiens, qui n’a aucun sens, et dont leur juvénile fierté se para comme d’un titre d’honneur. On les traita surtout d’impassibles ; car la gloire posthume de Musset brillait alors de tout son éclat et le monde retentissait de ses harmonieux sanglots. Le goût du moment n’admettait guère que la poésie confidentielle, l’inspiration née de l’amour et de la douleur. Ce n’est certes pas moi qui me permettrai la moindre parole désagréable pour les vers élégiaques. Il ne faut jamais tirer sur ses troupes. Je conviens de bonne grâce que si les amants n’éprouvaient plus, par impossible, le besoin de se plaindre des trahisons de leur maîtresse, le nombre des volumes de vers diminuerait considérablement. Mais ne peut-on pas être poète sans raconter ses peines de cœur ?

Par une pudeur qui n’est pas sans courage, ou plutôt par une délicatesse d’artiste qui leur faisait souhaiter qu’on n’admirât dans un poème que sa beauté intrinsèque, la plupart des Parnassiens répugnaient à exciter, en pleurant sur eux-mêmes, un attendrissement facile. Ils se consacrèrent donc à la poésie impersonnelle, descriptive et plastique, puisèrent presque uniquement leurs sujets dans la mythologie, dans l’histoire, dans la légende. Impassibles, a-t-on dit ? Ils ne l’étaient point, dans tous les cas, devant la beauté ; et rien ne fut plus injuste que l’accusation d’insensibilité portée contre ces poètes moins inspirés que scrupuleux, mais dont les œuvres prouvent qu’ils ont vibré d’émotion en présence de tous les spectacles de la nature et de l’humanité, et dont le très noble effort marque une étape dans la marche de la littérature française.

D’ailleurs, est-il besoin de les défendre contre une critique si superficielle et si générale ? Bien qu’appartenant à la même école, ils diffèrent tellement les uns des autres. À peine leur trouverait-on cette vague ressemblance, cet air de famille qui existent entre plusieurs portraits de gens d’une même époque. Mais chacun d’eux, ou du moins chacun de ceux qui méritent d’arrêter l’attention, a son visage particulier, sa physionomie personnelle et spéciale. Ce mot même d’école ne vous déplaît-il pas comme à moi, Monsieur ? Il implique l’idée de professeurs et d’élèves, et il ne saurait y en avoir dans le seul des arts qui ne s’apprend ni ne s’enseigne. Il n’est pas aisé de connaître à fond le contre-point et l’harmonie, et le musicien est une sorte de savant. Avant de se manifester comme artiste, le peintre ou le sculpteur doit savoir très bien son métier. Peut-on dire qu’il en soit de même pour le poète ? Dans toutes les langues, et à coup sûr dans la nôtre, les règles de la parole rythmée sont extrêmement simples. Sans vanité, nous pourrions, vous et moi, Monsieur, suspendre, comme les maîtres d’écriture, une pancarte à la porte de notre logis, où nous offririons aux passants de leur enseigner la poésie en vingt-cinq leçons. Que dis-je ? Nous serions capables, dans un cours supplémentaire, d’initier nos écoliers à toutes les gentillesses parnassiennes, y compris l’allitération et la rime en prétérit ; et pour peu qu’ils eussent des dispositions, ils exécuteraient bientôt des tours de force de prosodie comparables aux chefs-d’œuvre calligraphiques qu’on exposait jadis à tous les coins de carrefours, et où nous admirions le portrait de Béranger ou la « Prise de la Bastille » en paraphes. Non, non, le versificateur le plus adroit, le rimeur le plus subtil ne mérite pas, pour si peu, le titre de poète. Il lui faut, de plus et surtout, le don, « l’influence secrète » le génie enfin, — dans le sens latin du mot, — c’est-à-dire la puissance d’inventer et de donner dans ses vers — long poème ou brève chanson — une sensation nouvelle de la vie.

À cet égard, nous avons renoncé l’un et l’autre à certains préjugés de notre jeunesse, et, chez vous, je n’en veux pour preuve que les belles et justes paroles que vous nous avez dites sur Lamartine, à qui, cependant, vous ne devez rien. Nous estimons aujourd’hui que tous les procédés de style et de versification, que tout ce que Théophile Gautier appelait spirituellement ses « gaufriers », n’a pas grande importance. L’essentiel, c’est la pâte qu’on y met, et nous exigeons qu’elle ait une saveur spéciale et surprenante. Nous pensons que si quelques poètes de notre génération ont chance de se survivre, ce n’est pas parce qu’ils auront ingénieusement choisi leurs rimes et respecté toujours la règle de la consonne d’appui ; mais bien à cause de la liberté et surtout de la variété de leur inspiration. Contemporains et vieux camarades, nous nous aimons comme à vingt ans ; mais, entre nous, ce classement des hommes d’une même époque en groupes et en écoles nous fait sourire, et nous sentons tout ce qu’il a d’arbitraire et d’artificiel. Une réunion de poètes n’est pas un orchestre. Si modeste virtuose qu’il soit, chacun d’eux est trop fier pour se contenter d’une place de chef de pupitre. Le poète est un violon solo et ne joue que sa propre musique. Il doit chanter seul. C’est dans la paix et la solitude de la nuit, quand tous les nids se sont tus, qu’on entend bien le rossignol.

Mais je perds mon temps et je proteste en vain contre l’ordinaire manie de classer les œuvres de l’esprit. Parce que les poètes qui eurent vingt ans vers 1860 partagèrent tous — le philosophe aussi bien que l’élégiaque ou le descriptif — ce goût de la pensée lumineuse, de l’image suivie et de la rime sonore, on continuera à les désigner par la même étiquette, on leur appliquera la théorie du « bloc », qui ne vaut pourtant pas mieux, à mon humble avis, en critique littéraire qu’en politique. Parnassiens ils furent, parnassiens ils resteront. Et, par un retour auquel ils devaient s’attendre, voici maintenant que ce nom, dont on essaya de ridiculiser leurs débuts, leur est encore jeté avec dédain par une partie de la génération montante.

On ne sait quel vent d’est, chargé de brume germanique, a soufflé sur un groupe de poètes récents. Ils produisent fort peu ; mais, la poésie de demain, la poésie de tout à l’heure, qu’ils annoncent par de nombreux oracles, ne sera plus, à les en croire, qu’une musique confuse où quelques initiés pourront seuls entrevoir des symboles obscurs. Ces jeunes gens se montrent particulièrement sévères pour les Parnassiens, qui, restés fidèles à la tradition française, avaient la modeste ambition d’exprimer clairement leur pensée. On m’assure que l’absolue perfection de votre œuvre a trouvé grâce devant ces esthètes impitoyables. Mais ils montrent, à l’égard de quelques-uns de vos contemporains, la férocité des peuplades sauvages envers les vieillards encombrants. Ces mœurs de Caraïbes littéraires nous étonnent un peu, nous qui avions, dans notre jeunesse, le respect de nos maîtres et de nos anciens.

Cependant ayons de l’indulgence. La jeunesse, même quand elle est violente et injuste, n’a jamais tout à fait tort. Puisse-t-il sortir, de cette agitation, une œuvre vraiment originale et belle. Nous l’applaudirons de tout notre cœur. Il est vrai que nous l’attendons depuis de longues années déjà. Mais elle surgira, n’en doutez pas, et alors s’il faut dire toute ma pensée, — nous nous apercevrons qu’elle ne sera pas très sensiblement différente, quant à la forme, des poèmes d’hier et d’aujourd’hui. Il n’y a jamais, en art, de brutale révolution. Une forme ne se substitue pas brusquement à une autre comme le chemin de fer aux pataches et le télégraphe à la petite poste. L’évolution — car, en pareille matière, le mot progrès serait une hérésie — se fait lentement, par nuances légères. Nous serons éblouis, dans le chef-d’œuvre poétique qui triomphera demain — ou plus tard, — par la nouveauté de l’inspiration. Mais je suis bien tranquille, nous n’y trouverons ni rythme boiteux, ni vagues assonances. Le poète aura pu, je le veux bien, assouplir et perfectionner quelque peu le vieux et admirable outil que nous a légué le XVIe siècle ; mais ses beaux vers ressembleront à tous les beaux vers, et auront quand même bien des traits de parenté avec ceux de Ronsard, de Malherbe, de Chénier et de Victor Hugo.

Jeune homme maigre et pâle, qui t’épuises maintenant, chaque nuit, sous ta lampe, à fixer en paroles harmonieuses un nouveau rêve de la vie, génial enfant qu’on saluera bientôt du nom de grand poète, sois sans mépris pour tes aînés. Ne leur rappelle pas —car ils le savent trop bien — que tous les lauriers se flétrissent. Songe, au contraire, qu’ils n’ont vécu que pour cette noble récompense, qu’ils ont pratiqué leur art avec fidélité, tendresse et désintéressement, et que chacun d’eux, au seuil de la vieillesse et dans la mélancolie du déclin, a pourtant le droit de se dire : « J’ai fait de mon mieux et j’ai beaucoup travaillé. »

Travail et conscience. Ces deux mots résument la destinée de l’homme de lettres exemplaire qui fut votre prédécesseur, et dont vous venez de faire un éloge excellent. Sur son œuvre d’historien et d’écrivain politique, qui vous a permis d’éloquentes digressions, vous ne me laissez rien à ajouter, et vous avez retracé en des termes définitifs son labeur imposant, sa vie honorable et pure. J’ai cependant le devoir d’évoquer encore une fois devant l’Académie la physionomie en même temps si simple et si distinguée de M. de Mazade. Il jouissait parmi nous de l’affectueuse estime de tous, et nous avions plaisir à revoir, chaque semaine, son loyal visage dans nos réunions. Il y venait assidûment. Elles étaient même, je le crois bien, la seule récréation que s’accordât cet infatigable travailleur. Son libre esprit, sa modestie charmante, son goût sûr et fin, ses connaissances étendues, son entretien plein de grâce et d’urbanité nous l’avaient rendu précieux et cher, et il aimait ce milieu où il se sentait aimé.

Vous nous avez surtout entretenus de ses livres, sans insister sur sa persévérante besogne de journaliste. Faut-il en conclure que vous trouvez décevant et même un peu vain le travail des Danaïdes politiques qui versent périodiquement, dans le puits sans fond d’un journal ou d’une revue, leur urne de prose ? Vous ne seriez pas seul de votre avis ; et l’utilité de cet exercice, surtout en matière de politique extérieure, n’est pas bien évidente. Les Nestors du premier-Paris eux-mêmes, je le gagerais, ne se font pas beaucoup d’illusions sur l’efficacité des conseils quotidiens qu’ils donnent à l’Angleterre ou à la Russie ; et l’on ne peut songer sans sourire que, tout récemment, la paix était déjà conclue entre les deux puissances belligérantes de l’extrême Orient, lorsque le paquebot des Messageries maritimes jeta sur les quais de Yokohama les journaux européens qui adjuraient le Japon de ne pas abuser de sa victoire.

Quant à l’influence d’une presse absolument libre sur les affaires intérieures d’un pays, nous savons assez, et plus qu’assez, qu’elle est, au contraire, incalculable. C’est l’honneur de M. de Mazade d’avoir eu entre ses mains une partie de ce redoutable pouvoir, et de n’en avoir jamais usé qu’avec modération, sagesse, indépendance et probité. Collaborateur d’un illustre recueil, qui donne à l’Europe et au monde entier la moyenne de l’opinion en France, il s’inspira toujours, dans ses jugements sur les hommes et sur les faits, des principes les plus libéraux et du patriotisme le plus sincère et le plus éclairé. C’est ce besoin d’équité, c’est ce sentiment profondément et ardemment national, qui donnent aux écrits politiques de notre regretté confrère une valeur durable. Quand les futurs historiens se sentiront égarés au milieu des discours contradictoires, des polémiques violentes, des calomnies et des outrages échangés par l’injustice des partis, ils consulteront les articles de M. de Mazade et ils y verront quelle fut, à notre époque troublée, la pensée des honnêtes gens et des bons citoyens.

Cet esprit sérieux, grave même, qui ne cherchait qu’à convaincre, avait le goût le plus vif pour ceux qui prétendent émouvoir et charmer. Il avait modestement condamné les poèmes de sa jeunesse ; mais il garda toujours l’amour des beaux vers. Il avait lu les vôtres et les admirait ; et je suis heureux, au moment où vous prenez sa place dans notre Compagnie, de vous apporter, pour ainsi dire, le suffrage posthume de cet écrivain de talent et de ce galant homme.