Discours sur les prix de vertu 1879

Le 7 août 1879

Jules SIMON

DISCOURS

DE

M. JULES SIMON

DIRECTEUR DE L’ACADÉMIE FRANÇAISE

du 7 août 1879

 

MESSIEURS,

L’Institut de France est un corps de lettrés, de savants et d’artistes. Cependant, jetez les yeux sur le buste qui est placé là-haut, en face de moi : il ne représente ni les lettres, ni la science, ni les arts. C’est le buste de la Vertu, sous les traits d’une femme aimable et modeste. Cela ne veut pas dire que nous devons avant tout nous préoccuper, dans nos ouvrages, d’être très vertueux, et d’enseigner aux autres à le devenir ; la science, la poésie, existent par elles-mêmes et pour elles-mêmes ; mais si le savant, l’artiste, le poète cherchent, et trouvent, le vrai et le beau, ils rencontrent le bien sans y penser, parce que le vrai, le beau et le bien ne se séparent pas. On parle de génies malfaisants, de chefs-d’œuvre terribles : ce ne sont pas de vrais chefs-d’œuvre, s’ils n’ont pas pour effet d’élever et de purifier les âmes. La Vertu est donc ici à sa place, au milieu de nous. Ce n’est pas une pensée profonde qui l’y a fait mettre ; c’est une pensée simple et vraie. C’est celle qui a inspiré Montyon lorsque, voulant fonder des prix de vertu, il a chargé l’Académie française de les distribuer.

Grâce à lui, nos séances annuelles se divisent, maintenant en deux parties. Notre Secrétaire perpétuel donne d’abord, aux beaux livres publiés dans l’année, ses éloges, qui valent mieux que nos couronnes ; et notre Directeur raconte quelques belles actions, quelques nobles vies ; non pas de ces grandes actions qui sauvent tout un peuple et passent à la postérité, mais de bonnes œuvres, d’obscurs dévouements, de salutaires exemples ; non pas la bienfaisance du riche qui donne son superflu, mais la générosité et quelquefois la prodigalité du pauvre, qui n’a rien et trouve le moyen de donner ; non pas les plus belles actions de l’année, mais les plus belles parmi celles qu’on nous signale ; car l’Académie n’a pas de commission d’enquête, pour découvrir la vertu ; elle n’a pas de correspondants chargés de la tenir au courant de tout ce qui se fait de bon ou de bien ; nos lauréats n’ont jamais pensé à nous ; la plupart d’entre eux apprennent notre existence en recevant la récompense que nous leur offrons, et ne sauront jamais bien exactement ce que nous sommes. Nous choisissons, Messieurs, dans ce qu’on nous apporte ; et, malgré cela, notre moisson est toujours belle.

Le premier nom inscrit sur notre liste, cette année, est celui d’un sauveteur.

Il ne manque pas de sauveteurs en France. C’est la vertu de nos braves marins d’être toujours prêts à risquer leur vie pour disputer à la mer une victime. Étienne Maigre a commencé de bonne heure. En février 1834, n’ayant encore que dix-sept ans, il se jette dans le Rhône couvert de glaçons pour sauver un enfant de cinq ans. En 1839, à Arles, il sauve un homme qui voulait se noyer, et qui, luttant en désespéré contre lui, faillit lui donner la mort. Le 6 décembre de la même année, un matelot occupé à une manœuvre se laisse tomber dans le fleuve. Maigre ne se donne pas le temps de quitter ses vêtements, il s’élance, l’atteint malgré la rapidité du courant, parvient à le saisir, et de la seule main qui reste libre, nage vigoureusement pour gagner le rivage. Lutter contre le Rhône, par un gros temps, dans les conditions où il se trouvait, paraissait impossible, et la foule, accourue sur les quais, voyait déjà ses forces s’épuiser dans une lutte suprême. Un matelot parvint, en courant les plus grands périls, à lui jeter un bout de corde. Maigre obtint, pour cet acte de courage, sa première médaille d’honneur. Pendant les inondations du Midi, on le vit partout, affrontant les vagues furieuses dans une coquille de noix, ou se jetant à la nage pour recueillir des femmes, des enfants réfugiés sur les toits des maisons. Son exemple animait, entraînait les autres sauveteurs. Un très grand nombre de ses compatriotes lui durent la vie. Le gouvernement lui décerna une médaille d’or de première classe. L’année suivante, en 1842, Maigre servait, en qualité de second maître de timonerie, à bord du brick de guerre le Cygne. Un matelot tombe à la mer. Maigre saute à l’instant par-dessus le bord et parvient à le saisir mais il fallut du temps pour mettre en panne, et pour faire arriver jusqu’à lui une embarcation. Pendant plus de vingt minutes, il soutint son camarade au-dessus de l’eau. Cet exploit mit le comble à sa popularité. On commença à dire dans la marine : « À un kilomètre de Maigre, il n’est pas permis de se noyer. » Il sauva encore, en 1847, un jeune homme de quinze ans tombé dans le Rhône par un gros temps. Une pétition signée par le président du tribunal de commerce d’Arles, par le lieutenant de port, des négociants, des capitaines de navire, demanda pour lui la croix de la Légion d’honneur. Elle lui fut donnée en 1852.

En 1859, il commandait le paquebot la Durance, de la compagnie Fraissinet, et se rendait de Marseille à Naples, lorsqu’il fut assailli, le 3o mars, par une violente tempête dans le golfe de Saint-Tropez. À six heures du soir, un matelot, en serrant la voile de misaine, perdit l’équilibre et fut précipité dans la mer. Sa chute fut heureusement aperçue, malgré l’heure avancée. Le capitaine prit aussitôt toutes les mesures de sauvetage. Il dirigea le paquebot vers le point où l’homme avait disparu, jeta à la mer les épaves et toutes les bouées qui pouvaient être de quelque secours, et fit mettre à l’eau les embarcations ; mais elles ne purent tenir la mer, tant les vagues étaient puissantes, et furent rejetées sur les flancs du navire, où elles se brisèrent. Peu s’en fallut que les hommes qui les montaient ne fussent submergés. On apercevait par intervalles le naufragé, dont les efforts s’épuisaient visiblement. Le capitaine Maigre, voyant toutes les ressources ordinaires inutiles, s’élança pour le sauver ou mourir avec lui. Un cri sortit de toutes les poitrines et se mêla aux mugissements de la tempête. L’héroïque sauveteur réussit contre toute espérance. « Quand il parut sur le pont, disait un de ses hommes, nous crûmes voir deux ressuscités. » Ce n’était pas sa dernière victoire contre la mort. L’année suivante, pendant la guerre entre l’Espagne et le Maroc, il sauva la vie à plusieurs matelots et soldats de l’armée espagnole ; il reçut pour ce service la croix d’Isabelle la Catholique. En i865, lors du naufrage de la Provence qui s’était brisée sous le fort Saint-Jean, il fut le premier à porter secours aux naufragés. C’est son droit, noblement conquis, d’arriver le premier partout où on a besoin d’un dévouement ou d’un courage. L’Académie décerne à M. Maigre sa plus haute récompense, une médaille de deux mille francs.

Voici maintenant une autre sorte de courage, vous jugerez s’il est moins digne d’admiration. L’Académie accorde trois médailles de mille francs, l’une collectivement aux deux sœurs Train, fondatrices d’un orphelinat à Morgard, département de la Charente-Inférieure ; l’autre à Mlle Polle-Devierme, également fondatrice d’un orphelinat à Beauvais ; l’autre enfin à Mlle Léontine Nicolle, surveillante à l’hospice de la Salpêtrière.

Les demoiselles Virginie et Hélène Train, appartenant à une famille honorable, se trouvèrent un jour sans aucune ressource, avec un père infirme et une mère aveugle à soutenir. L’aînée pouvait avoir trente ans. Dans cette position, touchées de pitié pour les enfants abandonnés, et mues par une sorte d’instinct maternel, elles conçurent la pensée, qui aurait effrayé des riches, de fonder un orphelinat, de le fonder définitivement en lui constituant une propriété. Elles ne confièrent leur pensée à personne, on les aurait accusées de folie. Elles commencèrent humblement, par un simple gardiennage. Elles louèrent une pauvre maison, et reçurent de l’hospice de La Rochelle et de Saintes trente-trois petites filles dont quelques-unes n’avaient pas deux ans, et parmi lesquelles plusieurs infirmes et estropiées, s’engageant à leur donner des soins maternels jusqu’à l’âge de vingt et un ans, époque où elles les placeraient dans des maisons honnêtes, comme servantes, ouvrières ou bonnes d’enfants.

Quand les hospices sont obligés de placer ainsi au dehors une partie des orphelins qu’on leur confie, le département alloue une faible somme qui suffit à peine à la nourriture et à l’entretien des pauvres abandonnés. La femme qui les reçoit, et qui cherche dans cette pénible industrie ses propres moyens d’existence, est bien rare­ment à la hauteur de sa tâche. On a beau multiplier les inspections et les visites, s’entourer de précautions et de renseignements. Les meilleures font leur métier avec humanité ; les autres se hâtent d’exploiter les forces nais­santes de ces petits êtres, trop souvent au détriment de leur santé et de leur avenir. Mais Virginie et Hélène Train ne faisaient pas un métier ; cédaient à une vocation. Elles montrèrent dès le premier jour que ces orphelines avaient trouvé en elles de véritables mères.

Elles se chargèrent, seules, de toute la besogne de la maison, faisant la cuisine, une pauvre cuisine, faisant aussi le ménage, entretenant partout la propreté, pansant les petites malades, ne négligeant pas de leur mettre un alphabet entre les mains et de commencer leur instruction religieuse. Peu à peu, ces petites grandissaient ; alors on leur mettait à la main une aiguille les plus âgées et les plus fortes étaient employées aux travaux du jardin. La colonie concourait ainsi à son entretien, et commençait à pouvoir vendre quelques-uns de ses produits, qu’une des deux sœurs allait, trois fois par semaine, porter aux foires des environs. Les deux sœurs gouvernaient tout leur monde avec douceur et fermeté, se faisaient aimer et pourtant se faisaient craindre ; elles mettaient tant d’ordre et d’économie dans les dépenses, que la gêne se faisait rarement sentir. Quand elle venait, les privations n’étaient que pour les maîtresses ; elles s’ingéniaient, de diverses façons, pour les épargner à leurs enfants. La ruche fut promptement un sujet d’admiration pour le village et pour tout le canton. Les bonnes âmes vinrent en aide à cette œuvre excellente et touchante. En voyant la prospérité leur arriver tout doucement, les généreuses filles ne se relâchèrent point. Elles restèrent les servantes de la maison, trouvant encore le temps de faire au dehors l’office de sœurs de la charité, et vivant comme les plus pauvres paysannes. À ceux qui les suppliaient de prendre quelque repos, de s’accorder quelque bien-être, elles répondaient en riant « qu’elles avaient leur motif » : Leur motif, Messieurs, n’est plus un secret : après avoir longtemps travaillé pour vivre, elles travaillaient pour s’enrichir. Elles étaient en train d’accomplir leur miracle : elles thésaurisaient. Aujourd’hui, elles sont propriétaires de la maison qu’elles habitent, et de quelques hectares de terre. Leur testament est déjà fait pour assurer à l’orphelinat cette petite fortune. Il leur a fallu trente ans pour en arriver là, trente ans d’admirable dévouement, de travail incessant, de fatigues souvent cruelles. Peu à peu, leur famille s’est agrandie. Outre les enfants de l’hospice, elles reçoivent encore dans leur maison des orphelines de père et mère connus, et les plus abandonnées et les plus estropiées sont choisies par elles de préférence. Leurs anciennes pensionnaires, qu’elles ont placées dans les fermes des environs, reviennent les voir quand elles ont un moment de liberté, comme on retourne au foyer domestique. Elles-mêmes vont les visiter, avec le zèle et la tendresse d’une mère, dans leurs besoins et leurs maladies. La distance même ne les arrête pas.

Ceux qui nous ont envoyé ces détails nous parlent des bienfaits que ces deux filles répandent autour d’elles. Elles sont toujours prêtes à soigner les maladies les plus dangereuses, à panser les plaies les plus repoussantes. Virginie a sauvé la vie à plusieurs personnes, une fois même en se jetant à l’eau pour porter secours à une femme qui se noyait ; mais nous ne voulons pas tenir compte de ces bonnes actions, qui sont admirables ; l’orphelinat nous suffit, et c’est à lui que nous faisons, avec une émotion que vous partagerez, une modeste part dans les bienfaits de Montyon.

Ce n’est pas un orphelinat que Mlle Polle-Devierme a fondé ; c’est plutôt un pensionnat gratuit pour les jeunes filles pauvres. Mlle Polle-Devierme appartient à une famille distinguée. Elle semblait destinée, dans sa jeunesse, à être une riche héritière ; mais une série de revers l’ont réduite à un mince avoir, qu’on évalue à peine à quarante mille francs. Elle s’est, en quelque sorte, vengée de la fortune, en faisant avec ces modiques ressources autant de bien que si elle avait été millionnaire.

L’Académie a trouvé, dans le dossier de Mlle Polle-Devierme, une lettre d’elle adressée à un ami, et qu’une indiscrétion bien pardonnable y a glissée. Mlle Polle-Devierme, est fière ; elle ne veut pas être louée, nous ne la louerons pas ; mais, puisque cette lettre est dans nos mains, nous en lirons quelques extraits, qui feront connaître à la fois l’œuvre et la fondatrice.

« Cette œuvre, dit Mlle Polle-Devierme, n’était à sa naissance qu’un simple apprentissage, recevant les enfants depuis huit heures du matin jusqu’à huit heures du soir, au nombre restreint de vingt-cinq. Mais la confiance qu’inspirèrent nos premiers succès accrut mes désirs, et il me sembla que recueillir entièrement les jeunes filles, surtout quand elles sont orphelines, les habituer à la vie de famille, les initier à tous les travaux et à tous les secrets du dévouement de la femme dans son intérieur, c’était une œuvre plus complète, surtout à notre époque, où le désir de briller et de paraître entraîne trop souvent les parents à donner à leurs filles une éducation légère et frivole. Je ne reçois que des jeunes filles appartenant à d’honnêtes familles, de naissance légitime, ordinairement à l’âge de dix à onze ans, quelquefois cependant à quatre ou cinq ans, et je les conserve jusqu’à vingt et un ans. Elles sont appliquées aux classes, à tous les travaux d’aiguille, à la cuisine, aux lessives. Jamais personne d’étranger ne vient prêter son concours : tous les emplois de la maison sont remplis par les jeunes filles.

« C’est avec bonheur que je puis constater chaque jour les heureux fruits recueillis depuis l’existence de cette œuvre. Les relations les plus affectueuses se continuent lorsque ces jeunes filles me quittent, et toutes celles qui sont aujourd’hui mères de famille me donnent les plus douces consolations.

« La piété vraie et solide est la base de l’éducation, et j’entends par piété l’accomplissement de tous les devoirs, malgré l’ennui et la fatigue qui en peuvent résulter, car je ne connais d’autre devise que celle-ci : Le devoir avant tout, le devoir partout, le devoir toujours. »

Pour le pensionnat de Beauvais, comme pour l’orphelinat de Morgard, la merveille est de trouver le moyen de subsister. On ne compte pas moins de quarante ou cinquante jeunes filles à Beauvais ; la dépense annuelle est de 15,000 francs. Il n’y a pas ici d’hospice donnant une subvention ; de loin en loin, deux ou trois élèves ont payé une pension, qui ne s’est jamais élevée au-dessus de 200 francs. La ville a proposé une allocation, qui a été fièrement refusée. Le travail des enfants suffit à tout, sous la direction intelligente d’une femme de tête et de cœur, qui paie vaillamment de sa personne, et donne à toute la maison l’exemple d’une vie austère, d’un dévouement infatigable, et d’une inépuisable charité.

Mais, à présent, il faut quitter ces régions sereines de Morgard et de Beauvais. Morgard et Beauvais ne sont pas des lieux de délices. On y travaille sans relâche, on y vit durement. On ne trouve en sortant de l’asile que des places de servante ou des emplois d’ouvrière. Cependant, tout est adouci par le sentiment du devoir accompli, par l’affection maternelle des maîtresses et, les chaudes sympathies des compagnes. Entrons à présent à la Salpêtrière. Disons adieu à la santé, à la liberté, à la gaieté, et même à la jeunesse ; car ce ne sont pas des jeunes filles que ces idiotes, ces rachitiques, ces épileptiques. La ville de Paris a élevé, dans ces dernières années, de magnifiques maisons hospitalières ; elle peut citer avec orgueil l’asile Sainte-Anne, la Ville-Évrard, l’hôtel-Dieu. Les constructions anciennes étaient moins bien entendues ; il a fallu les reprendre en sous-œuvre, abattre des cloisons, percer des fenêtres, et malgré tout, on n’arrive que bien imparfaitement à réaliser les conditions de salubrité exigées par la science moderne. La Salpêtrière, dont les bâtiments ont été construits sous Louis XIII pour servir d’arsenal, ne manque pas d’espace, ni même de magni­ficence ; mais la division des enfants y est pitoyable. Ces pauvres êtres, au nombre de cent vingt petites filles, sont entassés dans des salles humides et obscures. Les épileptiques ne sont pas séparées des simples idiotes. Ces enfants sont plutôt des agitées que des hébétées, de sorte que le défaut d’espace et de mouvement est pour elles un cruel supplice. L’été, elles ont au moins quelques heures de soleil ; elles passent leurs tristes journées d’hiver dans des classes malsaines et encombrées, où la lumière même est insuffisante, sous les yeux de surveillantes, qui ne sont en réalité que des gardiennes et des filles de service. On se demande quelquefois comment on peut trouver des pauvres femmes assez abandonnées pour remplir de tels emplois. Ne croyez pas qu’on les achète à prix d’or. Pour passer sa vie entière au milieu de ces malheureuses filles, pour les servir et pour les contenir, pour les voir souffrir sous ses yeux, sans obtenir d’elles, la plupart du temps, un peu d’affection et de reconnaissance, une deuxième surveillante reçoit un traitement annuel de 360 francs, moins que les gages d’une fille de peine. On exige pourtant qu’elle soit honnête, qu’elle ait reçu quelque éducation, qu’elle ait une forte santé, pour subir cette captivité et résister à ce travail sans relâche ; il est même bon qu’elle soit robuste, pour lutter au besoin contre les patientes. Il paraît qu’il y a des postulantes pour ces places, et il faut, que les heureux, et même les malheureux, se le disent et apprennent ainsi à être reconnaissants de la situation qui leur est faite ailleurs. Mlle Léontine Nicolle, qui a pourtant reçu une éducation sérieuse, a vivement sollicité sa place de deuxième surveillante ; elle a attendu impatiemment une vacance ; elle est entrée avec joie dans cet enfer. Elle avait un secret que je vous livre. Sa mère était atteinte de la folie de la persécution. Léontine ne pouvait la garder avec elle ; elle obtint de la faire entrer à la Salpêtrière, et n’eut plus qu’une pensée, de s’y enfermer avec elle, pour pouvoir encore lui donner ses soins. Elle fut nommée, elle prit possession de son triste emploi. Tant que sa mère a vécu, Mlle Nicolle passait les journées auprès de ses idiotes, et les quelques minutes qu’on lui accordait p6ur se remettre de son rude labeur, auprès de la folle qui était sa mère, allant ainsi d’un martyre à un autre, et se trouvant heureuse parce qu’elle remplissait son devoir filial. Cette vie a duré vingt-sept ans. La pauvre folle est morte, il y a un an, dans les bras de sa fille, qu’elle reconnaissait à peine et dont elle repoussait les soins avec terreur dans ses moments d’hallucination. Voilà vingt-huit ans passés que Mlle Nicolle exerce, à la Salpêtrière, ses fonctions de surveillante. Elle s’y est attachée ; elle s’est dit qu’à force de patience, elle sauverait ces infortunées, et plus de cinq cents d’entre elles, sorties de ses mains, sont entrées dans la vie commune, et parviennent aujourd’hui à gagner leur vie.

L’administration de la Salpêtrière, qui est une sage et paternelle administration, mais qui est entravée par les règlements, a pu enfin, dans ces derniers mois, faire de la surveillante une institutrice. Elle aura 900 francs de traitement, peut-être davantage. Elle fera, dans son nouveau grade, le même travail. Elle ne fera pas plus, ni mieux, parce que c’est impossible. Quelle vie, Messieurs ! quel noviciat ! et quelle récompense ! L’Académie, avec le plus profond respect, décerne un prix de vertu à Mlle Léontine Nicolle.

L’Académie a accordé sur la fondation Montyon un assez grand nombre de médailles de 500 francs. Voici d’abord deux institutrices : Mlle Marie Pradelle, institutrice à Grèze (Lot), qui, non contente de remplir avec un dévouement admirable tous les devoirs de sa profession, n’a cessé, pendant sa longue carrière, de prodiguer ses soins aux malades et aux indigents, comme une véritable sœur de charité ; et Mlle Marie Chirac, institutrice à Gros-Chastang (Corrèze), qui a donné l’exemple des mêmes vertus, et qui, malgré la modicité de ses ressources, a recueilli gratuitement chez elle deux pauvres petites sourdes-muettes, dont elle a fait l’éducation. Nous donnons une médaille de 500 francs à Mlle Marie-Philippine Beaussart, de Plumoison (Nord) pour les soins maternels qu’elle a donnés aux orphelins placés chez elle par l’administration de l’Assistance publique ; un médecin célèbre l’appelle la Sauveuse d’enfants ; quatorze rachitiques lui doivent la vie ; une médaille de 500 francs à Jean-Célestin Roche, tailleur de pierres, à Castiglione (Algérie), dont voici, en deux mots, l’histoire : Son patron, qu’il avait suivi en Afrique, ne peut résister à la fatigue, à l’influence du climat, peut-être au chagrin causé par des espérances trompées ; il meurt en laissant une veuve et des orphelins dénués de ressources dans un pays étranger et lointain ; Roche adopte cette famille, ne travaille plus que pour elle et remplit à son égard tous les devoirs d’un père : c’est un ouvrier hors ligne, puisqu’il a obtenu deux récompenses à l’Exposition universelle : il aurait pu s’enrichir, mais il a tout donné à sa famille d’adoption.

L’Académie accorde aussi des médailles de 500 francs à cinq domestiques, devenues le soutien de leurs maîtres, humble dévouement qu’on ne se lasse pas de récompenser, parce qu’il est l’indice des plus nobles qualités du cœur. Ces servantes méritoires sont : Marie-Jeanne Cochard, de Lannion (Côtes-du-Nord) ; Louise-Élisabeth Chrétien, de Chambly (Oise), qui reste, depuis plus de trente ans, et sans gages, au service d’une paralytique Thérèse Guerrand, à Morsalines (Manche) ; Jeanne-Perrine Gautier, à Ducey (Manche), qui, pendant toute une vie passée en service, a trouvé le moyen, avec ses gages de servante, de répandre les bienfaits autour d’elle. Jeanne Gautier s’est signalée dans un incendie, elle y a perdu l’usage de son bras droit. Notre récompense va la trouver dans son extrême vieillesse ; elle a aujourd’hui quatre-vingt-trois ans. Eugénie Urgen-Vertuel, à qui nous donnons le même prix, est une mulâtresse de la Guadeloupe. Dévouée avec passion à sa maîtresse, elle la suit en France, malgré les exhortations et les avertissements de sa propre famille. En France, la maîtresse se marie. Eugénie s’est opposée à ce mariage ; elle en a prédit les fatales conséquences ; elle s’est séparée, le cœur déchiré, de sa maîtresse. Tout ce qu’elle avait prévu s’accomplit. Au bout de très peu de temps, la malheureuse femme, accablée de mauvais traitements, dépouillée de tout, s’enfuit chez son ancienne servante, qui partage avec elle son lit et sa misère. Devenue veuve, la créole retourne à la Guadeloupe, recueille quelques débris de sa fortune, monte un petit commerce. Eugénie l’a suivie, elle est la fille de boutique, la fille de peine ; elle se multiplie et s’épuise ; tout est inutile : les deux pauvres femmes ne peuvent échapper à la ruine. Elles s’enfuient, reviennent en France, où Eugénie trouve un peu de travail ; mais la maîtresse succombe à tant de revers. À peine a-t-elle fermé les veux que le chétif mobilier est saisi par les créanciers. Eugénie Urgen-Vertuel, maintenant âgée et ayant la vue affaiblie, peut à peine subvenir à ses besoins.

Enfin, l’Académie met sur la même liste, pour des récompenses de même valeur, c’est-à-dire pour des médailles de 500 francs, des personnes qui ont poussé jusqu’au degré héroïque l’esprit de dévouement à la famille, et qui, en même temps, ont été les servantes des pauvres. Prennent place sur cette liste d’honneur : Mme veuve Rivoire, à Cessieu (Isère), ravaudeuse : Mme veuve Beaudouin. Mme veuve Roy, toutes deux à Paris ; Marie-Alphonsine Bois, à Polincove (Pas-de-Calais), dont on ne saurait trop louer le zèle pendant le choléra et l’épidémie de fièvre typhoïde ; Guérin, à Marie (Aisne), qui depuis quarante ans est volontairement au service de tous ceux qui souffrent ; Clarisse Pagès, à Jaujac (Ardèche) ; les deux sœurs Emma et Agathe Dutil. Celles-ci, non contentes de recueillir tous les orphelins et tous les infirmes de leur famille, ont pris à leur charge une petite fille de six mois, abandonnée dans les rues de Paris pendant le siège.

L’Académie décerne le prix de la fondation Gémond, d’une valeur de l,000 francs, à M. l’abbé Maillard, de Saint-Julien de Concelles (Loire-Inférieure).

M. l’abbé Maillard a passé sa vie à faire le bien. On signale particulièrement sa belle conduite pendant une épidémie de variole noire qui a sévi à Moisdon (Loire- Inférieure). À Saint-Michel, il s’est jeté courageusement à la mer et a sauvé la vie à un homme qui se baignait imprudemment par un gros temps et qui avait été pris de vertige. Mais ce qui a surtout ému l’Académie, c’est la carrière militaire de M. l’abbé Maillard. Parti volontairement, sans traitement ni fonction officielle, avec le 2e bataillon de mobiles de la Loire-Inférieure, pendant la funeste guerre de 1870-1871, l’abbé Maillard n’a cessé d’être, pour tous ses compagnons, un camarade dans le danger, un père dans la souffrance. Il marchait allègrement en tête du bataillon, couchait dans la neige, se tenait au premier rang pendant les engagements pour relever et soigner les blessés, prodiguait ses soins aux malades et se multipliait pour leur procurer des aliments et des remèdes. On affirme qu’il a passé plusieurs jours sans nourriture, distribuant ses rations aux soldats les plus épuisés par la fatigue et le besoin. Il n’a pas été blessé, quoiqu’il fût sans cesse au milieu des balles ; mais il est tombé au pouvoir des Prussiens et a subi une rude captivité. Il est rentré dans sa famille après la paix, épuisé, crachant le sang. Ce sont ses camarades de bataillon qui ont demandé pour lui à l’Académie, dans une lettre touchante, la récompense qu’elle est heureuse de lui accorder.

Mme Mugnier est une de ces généreuses femmes qui ne peuvent voir une souffrance sans s’efforcer de la secourir. Ne possédant rien, elle donnait aux malheureux un peu de son nécessaire et quêtait pour eux quand il le fallait. Elle se signala pendant le siège. À force de zèle et d’intelligence, elle trouvait le moyen de se procurer des aliments qu’elle distribuait autour d’elle ; plus d’une famille pauvre lui dut de ne pas mourir de faim. Après le 18 mars, son mari, qui est employé à la préfecture de police, dut suivre ses chefs à Versailles : Mme Mugnier resta à Paris, où la retenaient ses fonctions de gérante d’une maison située rue de Suresnes. Le désir de voir son mari, et sans doute aussi le besoin de rendre service, la portèrent à se rendre plusieurs fois de Paris à Versailles, ce qui n’était pas sans péril, même pour une femme. Elle fit cinq fois le trajet, portant des lettres qui l’auraient exposée à la mort, si on les avait découvertes sur elle. Elle s’offrait pour cela dans les ministères, chaque fois qu’elle repartait pour Paris, et c’était à qui s’empresserait de donner par ce moyen des nouvelles aux chers absents. Mme Mugnier n’acceptait aucune rémunération, pas même du Gouvernement. Un jour, le chef d’une grande administration, qui connaissait sa position modeste, se hasarda à lui dire : « Madame Mugnier, l’État paie les services qu’on lui rend ; voilà longtemps que nous sommes vos débiteurs ; dites-moi simplement ce dont vous avez besoin. — Oh ! monsieur, répondit-elle avec bonne humeur, je me ferais sans façon payer ma peine, si ce n’était que cela ; mais je risque ma vie pour vous autres, comme vous savez. » Le ministre, ému, lui serra la main. À son dernier voyage, les soldats de la Commune la firent entrer dans un poste de cantinières, où elle fut rigoureusement fouillée. Elle avait cinq lettres sur elle ; mais elle les avait si bien cachées, et elle montra tant de sang-froid, que la visite fut sans résultat : elle vit ce jour-là la mort de bien près. Ces allées et ces venues avaient fini par appeler l’attention des autorités du quartier. Un ami lui fit savoir secrètement qu’il y avait ordre de l’arrêter. Elle passa plusieurs jours dans des craintes mortelles. Le 22 mai, au moment où une partie de nos troupes étaient déjà dans Paris, quelques insurgés armés jusqu’aux dents firent irruption dans son bureau et lui intimèrent l’ordre de sortir. Ils l’entraînèrent jusqu’à l’angle du boulevard et de la rue Ville-l’Évêque. L’un d’eux, qui paraissait être une sorte de commissaire, la poussa brusquement contre le mur et lui tira, presque à bout portant, un coup de revolver. Ses acolytes tirèrent aussi, elle tomba. Les assassins prirent la fuite, croyant leur crime accompli ; elle n’était que blessée. Nos soldats la trouvèrent baignant dans son sang. On la porta à l’hôpital Beaujon. Le bras droit, qui avait reçu une balle, demeura ankylosé, et les désordres produits par la blessure s’étant portés sur la jambe gauche, il fallut procéder à l’amputation. La pauvre invalide sortit de l’hôpital au bout de huit mois, avec une jambe perdue et un bras hors de service, pour reprendre, ainsi mutilée, ses anciennes habitudes de bienfaisance. Telle est cette courte histoire, que personne n’entendra sans admiration et sans pitié. Les faits remontant à plus de deux ans, Mme Mugnier ne peut prendre part aux libéralités de M. Montyon. L’Académie ne croit pas la récompenser en lui donnant le prix de la fondation Souriau : une médaille de 1,000 francs.

 

La fondation Marie Lasnes a permis à l’Académie de donner plusieurs médailles de 300 francs.

Marie Moreau, journalière, âgée de vingt-huit ans, de Saint-Laurent des Autels (Maine-et-Loire), a soutenu pendant dix ans son père atteint d’un cancer qui lui dévorait la figure. Elle avait en même temps et elle a encore à sa charge une mère âgée de soixante-treize ans, qu’une fracture à l’épaule droite rend incapable de travail, et un frère, idiot et épileptique. Elle passe la journée chez ses maîtres, et la nuit, elle fait le ménage, soigne ses malades et leur prépare des aliments pour le lendemain. Pareille est l’histoire de Perrine Méchine, cultivatrice à Allonnes (Maine-et-Loire) ; de Clarisse Lemelin, couturière à Nantes ; de Séraphine Vignaud, domestique à Confolens ; d’Honorine Claudel, lingère à Blamont (Meurthe-et-Moselle). « Elle n’a jamais connu ni force, ni santé, ni bonheur, disent ceux qui nous la recommandent, mais en revanche Dieu lui a donné un grand cœur. » Pierre-François Jourdan, qui obtient aussi une médaille de vertu de la valeur de 300 francs, est maître de port à Granville. Il a soutenu seul, avec ses maigres appointements, son père, sa mère, sa sœur, et les deux enfants de sa sœur. Il a élevé ces enfants ; il a marié la fille, il a donné au fils assez d’éducation pour le faire recevoir capitaine au long cours. Mais ils sont morts l’un et l’autre en lui laissant deux orphelins ; et lui, sans se lasser, sans se décourager, s’est mis à les élever avec la tendresse d’un père.

L’Académie partage une médaille de 400 francs entre Wilhelm Stephanus et Caroline Chartrain, demeurant l’un et l’autre à Blois, et domestiques pendant trente-cinq ans du même maître. Ce maître était un médecin célèbre, avant un grand train de maison ; dans les premières années ses domestiques amassèrent des économies. Puis il perdit sa fortune et sa santé, et ne garda qu’une clientèle restreinte. Wilhelm et Caroline restèrent cependant chez lui, presque malgré lui, sans recevoir de gages. Enfin, la vieillesse et les infirmités forcèrent les derniers clients à se retirer, et alors se déploya un dévouement qu’on trouve plus souvent dans les romans que dans la vie réelle. Les deux domestiques firent croire à leur maître qu’il lui restait des ressources ; ils le firent croire aussi au public ; mais ces ressources n’étaient que les économies faites par eux trente ans auparavant, et qui montaient, pour chacun, à près de 5,000 francs. Nous en avons la preuve authentique. Ils y joignaient le produit de quelques travaux extérieurs. Leur maître est mort, à quatre-vingt-huit ans, entre leurs bras, et tous les deux l’ont pleuré.

Notre illustre confrère M. Auguste Barbier, faisant à l’Académie le rapport sur les candidats aux prix de vertu, en l’absence de M. de Champagny, notre rapporteur ordinaire, nous disait avec tristesse : Est-il possible qu’il y ait tant de misères en France ?

Oui, cher confrère, il y a toutes ces misères en France. Il y a et il y aura toujours des idiots, des épileptiques, des rachitiques. Il y aura toujours des orphelins et des misérables. Mais avouez qu’il y a aussi de grands cœurs ! L’Académie voudrait avoir les mains pleines de couronnes pour les récompenser dignement, et celui qui parle en son nom regrette toujours de se borner à une mention rapide, quand il voudrait pouvoir raconter en détail ces nobles vies, qui contiennent de si fiers enseignements. Voilà donc, Messieurs, ce que l’on peut faire avec rien ! Voilà les vertus qu’il y a autour de nous ; disons au-dessous de nous, si vous voulez, quoiqu’il n’y ait pas un seul de nos récompensés qui ne soit notre égal et peut-être notre supérieur ! Nous en connaissons, nous en récompensons quelques-unes ; il y en a des milliers ! Pour qu’une de ces belles actions vienne jusqu’à nous, il faut qu’elle ait un témoin autorisé, un témoin connaissant l’existence des prix Montyon. Dans ce Paris, qu’on a appelé dédaigneusement, et un peu sottement, la grande Babylone, les malveillants, les superficiels ne voient, en haut, que la dépravation des mœurs, en bas, que l’âpreté des convoitises. S’ils entraient, en amis ou en observateurs désintéressés, dans les ateliers. s’ils visitaient les garnis, s’ils vivaient assez avec les pauvres gens pour mériter leur confiance, ils sauraient que personne ne donne si aisément et d’un meilleur cœur que ceux qui gagnent à grand’ peine leur subsistance par le travail de chaque jour : que le dévouement poussé jusqu’au degré héroïque n’est pas rare parmi eux ; qu’ils comprennent profondément, qu’ils pra­tiquent sérieusement les devoirs de la paternité et de la piété filiale ; que l’aïeul qui ne peut plus tenir son outil, a sa place, — la première place, — dans le galetas de ses enfants ; que beaucoup d’entre eux pouvant mettre leurs vieux parents dans un hospice, aiment mieux souffrir la faim pour les garder dans ce qu’ils appellent la maison. Le vice s’étale, Messieurs, la vertu se cache. Très-souvent elle s’ignore. Des ouvriers suivent le cercueil d’un ami ; il y a un orphelin ; quelqu’un, chemin faisant, prend l’enfant par la main, et cette main, il ne la quitte plus. Je connais, et en grand nombre, des ouvriers de Paris qui ont pris à leur charge les enfants d’un ami et qui les élèvent avec les leurs, sans distinction entre les enfants que Dieu leur a donnés et ceux que leur a donnés leur propre cœur. Ils disent : Mon fils ! Les enfants disent entre eux : Mon frère ! Quand on leur parle de cela, ils répondent en secouant les épaules : Il faut bien s’aider !

Il n’y a pas moyen, Messieurs, d’être misanthropes quand on vient de donner les prix Montyon, et c’est pour cela surtout que je vénérai la mémoire du bienfaiteur des pauvres, que je veux appeler aussi nôtre bienfaiteur. Oui, les hommes sont bons ; il ne s’agit que de les connaître. Soit que la haine porte sur les individus, ou sur les classes, elle ne sera jamais qu’une maladie de l’esprit. Il ne faut pas même haïr les vicieux ; contentons-nous de haïr le vice. Mais surtout, puisque c’est aujourd’hui la vertu qui nous rassemble, aimons-la, admirons-la, imitons-la ; et, sans nous exagérer l’efficacité de nos prix pour la propager, honorons une institution qui nous permet chaque année de réjouir quelques braves cœurs, de mettre en lumière quelques belles actions ; qui nous oblige nous-mêmes à sonder ce qui reste dans la société d’imperfections et de misères, et à comprendre ce que peut, à elle seule, la volonté !