La langue n’est pas, comme le rugby, un combat

Le 4 avril 2019

Michael EDWARDS

bloc-notes du mois d'avril 2019
 

L’aspiration des femmes à être reconnues, à accéder à toutes les professions, à toutes les fonctions, est une affaire politique et sociologique. « Révolutionner » le français, pouvoir dire la procureure ou la rectrice, ne les aidera pas à être plus nombreuses à occuper ces postes.

Plutôt que la réaction à une revendication, à un lobby, la féminisation des noms de métiers et de fonctions est une question de langue. La présence exclusive des hommes dans certaines fonctions a fait que la langue française n’a pas eu à féminiser toute une gamme de substantifs. L’accession des femmes à ces fonctions permet maintenant de combler ce manque. Selon les règles, selon le bon usage, qui est également le bel usage.

Le débat sur quelle forme féminine donner à plusieurs mots continuera sans doute longtemps, avant que l’oreille décide. Et l’oreille doit se laisser éduquer. J’avoue ne pas aimer des mots comme professeure et écrivaine, que je suis tenté de dire laids. Mais pourquoi ? Je ne répugne pas à dire demeure, heure ou, parmi les mots ayant une forme masculine, antérieure, extérieure, supérieure, majeure, j’en passe et des meilleures. Semaine ne m’offusque pas, ni domaine, ni hautaine, urbaine, républicaine, prochaine, ni une cinquantaine d’autres. Ne serait-ce pas une simple question de familiarité ? L’oreille ne reconnaît pas professeure et écrivaine, qui semblent par conséquent étrangers au français. Elle entend vaine à la fin d’écrivaine, alors que vain reste, si je puis dire, silencieux à la fin d’écrivain – parce que le mot nous est connu.

Je me dis que si ces formes féminines s’imposent, on s’habituera à les utiliser et on se demandera pourquoi, en 2019, elles paraissaient choquantes.