Rapport sur les concours de l’année 1935

Le 19 décembre 1935

René DOUMIC

ACADÉMIE FRANÇAISE

SÉANCE PUBLIQUE ANNUELLE

du jeudi 19 décembre 1935

RAPPORT SUR LES CONCOURS LITTÉRAIRES

DE

M. RENÉ DOUMIC
SECRÉTAIRE PERPÉTUEL

 

Messieurs,

 

Vous avez, cette année, décerné cent quatre-vingt-cinq prix, de ceux qui portent les noms de leurs fondateurs. Vous y avez ajouté trente et un prix d’Académie, qui sont des effets de votre générosité personnelle, et onze médailles. Cela fait beaucoup de livres et qui ne sont qu’une partie de ceux qui ont brigué vos suffrages. La crise de la librairie ne serait-elle qu’un vain mot ? Ou serait-ce qu’en matière de candidatures académiques on ne connaît pas le chômage ?

Je vais tout de suite au plus illustre, sinon au plus ancien de ces prix, le prix Gobert, destiné à récompenser un travail d’histoire. L’histoire ! Vous savez avec quelle âpreté elle est aujourd’hui attaquée par tout un parti de détracteurs qui, pour un peu, la traiteraient de fasciste. Or, jamais n’a-t-elle été plus en faveur auprès du public et jamais les études historiques n’ont-elles été plus florissantes.

Un ouvrage s’est imposé à votre choix : c’est l’Histoire des Croisades de M. René Grousset, dont deux volumes, — deux gros volumes, — sont parus et qui en aura trois. Voilà plus de cent ans que Michaud, dans un livre qui fut célèbre en son temps, nous avait décrit l’effort des Croisés pour délivrer le tombeau du Christ. C’est sous un tout autre aspect que M. Grousset étudie la Croisade. Au point de vue religieux et guerrier il substitue le point de vue économique et colonial. « La Croisade, écrit-il, n’a été qu’un brillant épisode, un hasard historique. La création de colonies franques auxquelles ce hasard a donné naissance, la formation d’un État français en Syrie, adapté et vivace, voilà le fait historique autrement important. »

Comment, une fois atteint son but spirituel, l’aventure a-t-elle pu se transformer en une fondation durable ? Il y fallait un homme aux vues larges et précises, un créateur d’avenir. Ce ne fut pas Godefroy de Bouillon, trop modeste et qui se contente du titre d’avoué du Saint-Sépulcre, mais son frère Baudouin Ier, politique hardi, dénué de scrupules, réalisateur, une des personnalités les plus puissantes de l’histoire franco-syrienne. « Il est le premier en date, écrit M. Grousset, des hardis pionniers dont le génie colonisateur sema, au XVIIe siècle, tant de nouvelles Frances par le monde, du Canada à la mer des Indes. »

Cette politique coloniale, M. Grousset en trace les grandes lignes. C’est celle qui consiste à ménager l’élément indigène, à tenir compte de ses traditions et de ses croyances. Mais cette politique, qui porte si bien la marque de chez nous, nous la connaissons. Et c’est bien ce qui est émouvant de voir dès ces temps reculés une France du Levant s’édifier par les mêmes méthodes, prudentes et généreuses, qui seront celles d’un Gallieni et d’un Lyautey.

M. Grousset, qui est un maître de l’orientalisme, a puisé de la façon la plus large et la plus heureuse aux documents orientaux. Son œuvre, par tout ce qu’elle apporte de neuf, et par l’ampleur d’horizon qu’elle nous découvre, fait grand honneur à la science historique française. Avec les matériaux les plus solides, M. Grousset vient d’élever un monument, que le temps respectera, à la gloire plusieurs fois séculaire de la France coloniale.

 

A tout ordre de travaux il faut un animateur. Les études historiques l’ont trouvé en l’un de nos confrères dont l’activité, que nous voyons croître avec l’âge, fait notre admiration, M. Gabriel Hanotaux. Quelques années lui ont suffi pour venir à bout de cette Histoire de la nation française, conçue sur un plan nouveau et qui s’honore d’avoir recruté parmi vous plusieurs de ses collaborateurs. Le succès en a retenti bien au delà de nos frontières. C’est ainsi qu’il a inspiré au roi Fouad Ier le désir d’avoir pour son pays un pareil ensemble historique et d’en confier l’exécution à M. Hanotaux.

C’est à l’un des volumes de cette collection, l’Égypte turque, dont l’auteur est M. Dehérain, que vous avez attribué le prix Broquette-Gonin. L’idée qui s’en dégage est celle d’un saisissant contraste. Pendant les deux cent quatre-vingt-une années que l’Égypte vécut sous le gouvernement des pachas turcs, elle resta un pays obscur, endormi, oublié ; il suffit à l’armée française de l’occuper trois ans pour lui ouvrir la brillante carrière qu’elle parcourt depuis plus d’un siècle.

Un Français, le capitaine Bouchard, découvre la fameuse Pierre de Rosette, grâce à laquelle le génie de Champollion parvint à percer le mystère de l’écriture hiéroglyphique.

Et. Bonaparte lui-même amorce cette grande œuvre : le percement du canal de Suez. A toutes ses victoires il ajoute cette victoire remportée sur la nature. « Quand l’œuvre sera achevée, le 17 novembre 1869, écrit M. Dehérain, Eugénie, impératrice des Français, franchira l’isthme de la Méditerranée à la mer Rouge, sur un canal creusé dans ce même désert qui, soixante-dix ans plus tôt, avait été foulé par son oncle par alliance, Napoléon Bonaparte.

C’est sur cette vision grandiose que se termine le livre de M. Dehérain. Et puisque je rencontre sur la liste de nos lauréats le nom de celui qui si longtemps fut notre bibliothécaire, je manquerais à un devoir de gratitude si je ne saisissais l’occasion de le remercier des services qu’il n’a cessé de nous rendre jusqu’au jour où s’est abattue sur lui la sacro-sainte limite d’âge qui opère, en matière administrative, à la façon du couperet de la guillotine.

 

Un prix de fondation récente, le prix Boudenoot, est destiné à récompenser l’ouvrage « le plus propre à inspirer l’amour de la France et à entretenir la flamme sacrée du patriotisme. » Aucun livre, mieux que le Bouvines de M. Hadengue, ne pouvait répondre à ce noble programme.

Et nul autre ne pouvait faire mieux ressortir ce qu’il faut bien appeler l’actualité de l’histoire. Songez qu’à Bouvines, devant la supériorité des forces de l’empereur allemand, l’armée française se replie, feint une .déroute : au moment où le contact s’établit, fait volte-face et fait front. C’est déjà la Marne.

A un livre d’histoire vous demandez qu’il joigne à ses mérites d’érudition les qualités proprement littéraires. M. Hadengue possède à un rare degré cet art qui ressuscite le passé. Et il n’est pas de ceux qui croient l’historien condamné à l’impassibilité. Son émotion perce à chaque page, et c’est elle qui donne au récit sa chaleur et sa vie.

Victoire créatrice », conclut-il, et en y insistant. Vous savez avec quelle supériorité dédaigneuse, une école très moderne et non moins officielle, traite ce qu’elle appelle l’histoire batailles. Croyons-en plutôt l’historien qui nous montre par un exemple éclatant ce que peut engendrer une bataille victorieuse. C’est d’abord l’unité nationale qui, « germée dans les profondeurs de la masse, s’épanouit tout à coup, comme éclate un bourgeon au soleil d’avril ». C’est le prestige de la France, qui apparaît comme la plus grande nation du monde. Et voici le XIIIe siècle, le siècle des cathédrales, le plus grand siècle sans doute de l’art français et de son influence européenne.

Tels sont ces enseignements, dont le préfacier du livre, qui n’est autre que le général Weygand, se demande avec anxiété si notre temps, au lendemain d’une victoire pareille, ne les a pas méconnus. « L’union sacrée, pratiquée pendant la guerre, s’est-elle maintenue ? Des féodalités nouvelles, qui font le jeu de l’étranger, ne sont-elles pas nées ? L’abandon de l’effort après la victoire n’est-il pas la cause principale de nos difficultés ? »

Et il termine par ce jugement que vous avez unanimement accepté : « Un livre qui oblige les Français à de si fructueux retours sur eux-mêmes est un bon et beau livre. »

 

Une histoire encore, celle de la Bourgeoisie française, a valu à M. Joseph Aynard un prix d’Académie. L’auteur suit l’évolution de la bourgeoisie depuis les temps du moyen âge jusqu’à la Révolution. Et il dessine, au cours des siècles, la figure de quelques-uns parmi ceux qu’on appelle les grands bourgeois, un Colbert qui, pour avoir voulu se rattacher aux rois d’Écosse, n’en est pas moins fils, petit-fils et arrière-petit-fils d’aïeux qui, pareils au père de M. Jourdain, se connaissaient en drap et en donnaient à leurs amis pour de l’argent, un Molière aussi, et un Voltaire qui finit en bourgeois gentilhomme.

A mesure se dégage un type du bourgeois, dont certains traits se retrouvent les mêmes à toutes les époques. Application au travail, amour du gain, mais acquis par le labeur et conservé par l’épargne, sentiment de la famille, désir de se séparer du peuple moins encore par la fortune que par l’éducation et la culture, aspiration à s’élever, telles sont quelques-unes des vertus bourgeoises. Si favorable qu’il soit à la bourgeoisie, M. Aynard ne dissimule d’ailleurs ni ses défauts, — une certaine étroitesse d’esprit, un égoïsme de classe, et moins d’orgueil que de vanité, — ni ses fautes.

Quoi qu’il en soit, n’oublions pas ce que nous devons à la bourgeoisie, et que celui de nos siècles qui a mérité le nom de grand, quoi qu’en ait pu dire Michelet, est celui que Saint-Simon appelle un siècle de vile bourgeoisie. N’oublions pas surtout, devant la campagne de haine menée aujourd’hui contre elle et qui ne se cache pas de tendre à sa destruction, que partout où la classe moyenne disparaît, que ce soit dans la Rome antique ou dans la Russie moderne, sa ruine est en même temps celle de la civilisation elle-même.

 

On a beaucoup dit, ces années dernières, qu’un genre était épuisé, dont le public est las : je veux parler des récits de guerre. C’est beaucoup se presser d’enterrer un genre qui apparaît si vivant dans ces livres que le colonel René Chambe intitule : Dans l’enfer du ciel, et l’Escadron de Gironde.

L’enfer du ciel, accouplement de mots qui eût jadis présenté le paradoxe d’un violent contraste, qui est devenu aujourd’hui une réalité, grâce à cette conquête de l’air, dont un poète prophétisait naguère qu’elle amènerait la fraternité des peuples et l’avènement de la paix universelle. Comme la terre et les eaux, l’air est devenu aujourd’hui un champ de bataille. Et quelles batailles ! C’est aussi un lieu commun de dire que dans la bataille moderne on ne voit rien, qu’elle échappe au regard et à la description. René Chambe, avec la précision du technicien, nous fait voir ce que j’allais appeler le terrain, suivre les phases de la lutte, mesurer la hardiesse du combattant. Nous avons la sensation qu’ici tout est vrai, rigoureusement vrai. Nous sommes en confiance. Nous nous livrons au conteur qui, en soldat doublé d’un artiste, nous rend présente l’âme du combat.

L’Escadron de Gironde est un de ces épisodes, comme il y en a eu tant au cours de la grande guerre, et auxquels n’a manqué qu’un narrateur pour les faire entrer dans cette histoire plus belle que la légende. L’escadron du lieutenant de Gironde, aux premiers mois de la guerre, est enfermé dans les lignes allemandes : cent cavaliers, cent dragons, braves entre les braves, issus pour la plupart de cette race paysanne, à laquelle hier le maréchal Pétain rendait un si magnifique hommage. Hommes et chevaux sont fourbus. Or, à cet escadron fantôme la nouvelle arrive qu’à moins d’un kilomètre une escadrille allemande est au repos, qui a formé le parc pour la nuit. L’occasion est de celles qu’on ne laisse pas échapper. Gironde et son second, Kérillis, vont lancer contre cette arme nouvelle, hérissée de mitrailleuses et de canons, cette cavalerie « qui brandit encore sa lance, un misérable morceau de bois long de trois mètres, comme il y a mille, ans, à l’époque des tournois ».

Ce que fut la rencontre, le combat dans la nuit, dont bien peu sont revenus, qu’en dirons-nous, sinon qu’aucune épopée n’en contient de plus émouvant ? Nos combattants, nous le savons, avaient horreur du bourrage de crâne. C’est un trait du caractère français, qu’on accuse de vanité, qu’il a horreur des grands mots. Encore ne faut-il pas avoir peur des mots, quand il s’agit d’honorer ceux qui continuent par leurs actes la glorieuse tradition de l’héroïsme français.

 

Et de quel autre terme qualifier le rôle qu’ont revendiqué pour elles de simples femmes, tel qu’il apparaît dans le livre de l’une d’elles, Louise Thuliez, intitulé Condamnée à mort ? Afin de rendre à leur pays les soldats perdus en région occupée, il faut partir la nuit, faire à pied de longues étapes jusqu’à la frontière où vous attendent les balles des sentinelles, ou les éclats des bombes explosives. Un jour arrive où se produit l’inévitable : Louise Thuliez est arrêtée, emprisonnée, jugée, condamnée. Comme, au tribunal militaire, on lui demande : « Pour quel motif avez-vous agi ainsi ? » elle répond, simplement : « Parce que je suis Française. Plus heureuse que son amie, Édith Cavell, Louise Thuliez a vu sa peine commuée en celle du bagne. Elle a écrit son livre pour préserver de l’oubli les noms de tant de femmes qui payèrent de leur vie les services rendus au pays. Vous avez eu à cœur de ne pas rester étrangers à cet hommage rendu à nos martyres nationales.

D’une galerie de portraits, où le peintre s’est efforcé de substituer à la légende une vivante ressemblance, vous m’approuverez de détacher celui du roi Albert Ier, tel qu’il ressort de deux livres dûs l’un à M. Dumont Wilden l’autre à M. Alard de Bourghelles. Tous deux évoquent l’atmosphère familiale et quasiment bourgeoise où se passa l’enfance du futur souverain, et, dès son ascension au trône auquel il n’était pas destiné, son application au travail, sa conscience, toutes ses vertus de roi honnête homme. Mais, écrit justement M. Dumont Wilden, « dans toute vie il y a une heure décisive qui permet à chacun de donner sa mesure ». Nul ne saurait oublier comment celte heure sonna pour le roi Albert dans la nuit du 2 août 1914. Sa réponse à l’ultimatum allemand l’a fait entrer dans la grande histoire et donné à son pays « une situation morale incomparable ». Ce mélange de simplicité et de grandeur d’âme est ce qui, à jamais, dans les cœurs français assure au roi Albert une reconnaissance où se mêle à l’admiration une respectueuse tendresse.

La légende est trop souvent mensongère : vous savez comment, de son vivant même, elle s’est emparée de notre grand Mangin, pour en présenter une image stylisée et fausse. Visage maigre qui rappelait celui du Premier Consul, cheveux en brosse, mâchoire volontaire, perfidement on lui appliquait le vers du poète :

Rien d’humain ne battait sous son épaisse armure.

Chef audacieux, qu’aucun obstacle ne pouvait arrêter, auquel on s’adressait chaque fois qu’il y avait un coup dur à donner, on en a fait un aventurier heureux, un risque-tout et un casse-cou. C’est pour s’élever contre cette déformation, — dont, hélas ! les auteurs ne sont pas tous des étrangers, — que le commandant Bugnet a écrit son Mangin.

Il n’a garde de nous présenter de ce rude guerrier une image édulcorée. Mais ce que savent ceux qui ont vécu auprès de lui, c’est combien ses audaces étaient raisonnées et combien mûrement réfléchies. Exécution foudroyante, mais après une préparation lente et minutieuse. De la hardiesse, mais à base de prudence. Celui qu’on accusait de n’être pas assez ménager de la vie de ses hommes, on l’a vu, comme il regardait passer un de ses régiments partant pour la relève dans un coin mauvais, ne pouvoir empêcher ses larmes de couler. Les lettres qu’il écrit aux siens révèlent la sensibilité la plus délicate. Ce prétendu sabreur est un homme de vaste culture, un lettré, artiste et musicien. Avec cela, sociable, aimant à recevoir, créant autour de lui une atmosphère de noblesse et de luxe, des manières de grand seigneur. N’hésitons pas à saluer en lui le type complet du héros français réunissant toutes les qualités qui sont l’honneur de la race.

 

Pour son grand prix de Littérature, l’Académie a choisi un écrivain vers qui elle n’a pas été guidée par la rumeur publique, car son nom n’est pas de ceux qui sont jetés journellement aux quatre vents de la publicité. M. André Suarès ne fait partie d’aucun groupe, ni d’aucune coterie : il n’appartient pas à la république des camarades, qui existe en littérature comme ailleurs ; on ne le rencontre ni dans les bureaux de rédaction, ni dans les salons où se fabriquent les réputations. Sa photographie n’est pas de celles que les journaux publient en tête d’une interview entre un assassin et une star de cinéma. Pour nous faire de lui quelque idée, c’est dans ses livres qu’il nous faut la chercher.

Justement son ouvre principale est un récit de voyage en Italie, en trois volumes, pour lequel il a préféré au titre trop banal d’Impressions de voyage celui de Voyage du Condottiere. Il y a placé en manière de frontispice un portrait de ce Condottiere, qui, bien sûr, n’est pas son portrait, mais qui n’est pas non plus sans avoir avec lui quelque ressemblance.

Je ferai, écrit-il, le portrait de Jean-Félix Caërdal, le Condottiere dont c’est ici le voyage. Je dirai quel était ce chevalier errant que je vis partir de Bretagne pour conquérir l’Italie.

« Caërdal est pâle et a la peau mate. Il a les cheveux noirs et lisses comme un Celte. Ses grandes dents sont d’un fauve, saines et blanches... Le jeûne lui plaît. Il ne mange qu’une fois le jour et il a vécu d’un repas toutes les trente heures, quand il était pauvre.

« Il paraît étranger partout... Autour de lui, il crée la solitude. Sévère aux livres et aux hommes, il aime fortement ceux qu’il a choisis. Caërdal s’est croisé pour servir l’art véritable... vrai Condottiere de la beauté. C’est, vous le voyez, un Condottiere éminemment pacifique. M. Suarès le suit dans « la divine Italie » et fait à mesure le portrait de chacune des villes qu’il traverse, car les villes sont comme les êtres humains : elles ont une figure, un regard, une voix, une âme. Venise est la ville amoureuse. On vole vers Venise comme à un rendez-vous d’amour. » Ravenne est la ville de la mort. « A Ravenne meurent les premiers Césars. Les dominations et les empires finissent à Ravenne. Dante y rend l’âme. L’air de Ravenne est sain à toute agonie. » Florence respire l’intelligence. Mais voici enfin la cité élue. Ecce dea. « Enfin je vous ai trouvée, ô ville tant cherchée, et vous m’avez accueilli comme si vous m’eussiez souhaité. » Ce n’est ni Rome l’orgueilleuse, ni Naples tant vantée, mais l’adorable Sienne, Sienne la bien-aimée, la ville du rêve et de l’amour passionné.

Or, d’après M. Suarès, un récit de voyage nous renseigne surtout sur le voyageur lui-même. Celui-ci, descendu de son cheval de guerre, est un pur homme de lettres, portant en lui une double hérédité, provençale qui l’a orienté vers le pays latin, bretonne d’où lui vient son mysticisme. Signe caractéristique : son amour de la solitude, accru par la difficulté des débuts, et où une fois pour toutes il s’est confiné.

A cette solitude il devra de garder une indépendance dont il est jaloux, estimant que le premier des biens est d’être soi, de penser et vivre selon soi. Échappant à l’ambiance amollissante du monde, il assiste de loin à la comédie humaine, ce qui est une manière de la voir de haut. Dans ses Variables, qui sont un recueil de pensées très pascalien, il exprime son aversion pour les conventions de toute sorte, formules toutes faites, niaiseries courantes, celles qui se débitent et celles qui s’impriment, pour ce qu’il appelle « l’ogresse opinion et le monstre, vulgarité ».

Comme au surplus l’absolue solitude est chose impossible, ce solitaire s’est créé tout de même une société, celle des grands esprits dont s’honore l’humanité. En communion avec eux, il poursuit son rêve aristocratique, celui d’une vie tout entière consacrée au culte de la beauté, par le moyen de l’art et de la poésie. Écoutez-le déclarer : « La grande poésie est la seule réalité parmi les choses mortelles qui sont toutes vaines. Et la beauté seule rachète l’homme de son néant. » « Ce qui n’est ni grand ni beau n’est pas : cela feint d’être. » Conception qui peut passer pour inactuelle, mais dont on ne saurait contester la noblesse. Elle donne aux livres d’André Suarès leur vie ardente, que traduit un style heurté, violent, passionné. Comme son Caërdal, « il est sévère aux livres et aux hommes ; il aime fortement ceux qu’il a choisis. »

Il arrive que les distinctions aillent à ceux qui les ont le moins recherchées. C’est ainsi, qu’à quelques jours de distance, la Société des gens de lettres et l’Académie française se sont disputé l’honneur de récompenser le beau talent de cet isolé volontaire.

 

Le prix du roman à M. Albert Touchard, pour son livre la Guêpe, dont le sujet semble emprunté à quelque épisode de l’actuelle vie internationale. Un officier de marine, Bernier, atteint de troubles nerveux, a choisi, pour s’y faire soigner, — en bon Français qui n’a confiance que dans les médecins étrangers, — un établissement d’Allemagne. Il profitera du séjour pour repérer l’emplacement exact d’une puissante fabrique de gaz asphyxiants, qui se trouve dans la région, très habilement camouflée au cœur d’une forêt. Cure de repos et voyagé d’étude.

Le voilà entré en Allemagne. Pensait-il que sa présence y passerait inaperçue ? Dans les questions qu’on lui adresse « d’une voix doucereuse démentie par les yeux durs et faux » il devine une indéfinissable ironie. C’est tantôt l’un qui insinue que « les Français ne viennent pas ici sans raison spéciale », tantôt un autre qui lui demande : « Et vous venez ici faire une sorte d’enquête... sur l’âme allemande » et met après ce terme d’enquête un point de suspension. C’est le médecin de l’établissement qui remarque : « Tout le monde se demande pourquoi vous êtes ici. »

Et puis, il y a celle que l’auteur décore du nom de « guêpe » pour ne pas l’appeler de celui plus usité de « mouche. » Bernier est homme : il est faible et cède à la tentation. Lorsqu’enfin ses yeux, ses yeux candides, commencent à s’ouvrir, et quand il consent à s’inquiéter et décide de hâter son départ, il se heurte au chef de la police, cependant que la guêpe, qui n’a plus rien à faire ici, prend son vol. Bernier est emprisonné, jugé, condamné : nul depuis n’en aura plus de nouvelles.

Ce qui fait le mérite de ce livre, c’est l’art avec lequel l’auteur a su créer cette atmosphère d’inquiétude irritante où chaque détail, d’apparence innocente et naturelle, cache un piège. On a la sensation d’assister au spectacle d’une marche à l’abîme. Roman policier, serait-on tenté de dire, s’il n’échappait à la vulgarité du genre, par la sobriété du récit et son air de véracité.

 

Le prix qui vous donne le plus de souci et vous met dans le plus grand embarras est celui que nous devons à la générosité de notre confrère Brieux. Il est destiné à une pièce non représentée, ou qui ne l’a été qu’un petit nombre de fois et sur un théâtre d’à côté, risquant ainsi d’être l’une de ces pièces qui ont fait vainement le tour de toutes les directions ou qui acceptées par un directeur ne l’ont pas été par le public. Ce qui rend le choix périlleux c’est l’importance même du prix, trente mille francs, qui, si par hasard il ne récompense pas une œuvre de réelle valeur, contribue à en faire ressortir la médiocrité. Ce qui achève de compliquer votre tâche, c’est qu’il ne suffit pas, — et c’est l’erreur que commettent beaucoup de candidats, — que la pièce soit d’inspiration élevée et qu’au dénouement le vice soit puni et la vertu récompensée : il faut qu’elle soit à tendances sociales. Cette année même, nous avons du étendre complaisamment le sens du mot pour trouver dans la pièce de M. Paul Brach, le Règne d’Adrienne, le caractère exigé par le fondateur du prix. Elle met en scène une grande couturière qui est devenue, par la vertu du snobisme contemporain, une manière de puissance. Adrienne a pour rabatteurs des déclassés de la plus authentique aristocratie, et pour clients jusqu’à des rois en exil et des reines en quête de subventions. Il est certain qu’une société bien équilibrée ne doit pas faire aux princesses de la couture une place si scandaleusement disproportionnée. Je crains seulement que cette plaie ne soit une des moindres dont nous souffrons, et n’ai-je pas entendu dire que la crise, qui sévit sur les industries de luxe, n’épargne pas même les maisons de couture ?

 

Plus modeste, le prix Toirac est destiné à la meilleure pièce jouée dans l’année sur une de nos grandes scènes. Il est allé à la pièce en trois actes de Mme Anne Valray, représentée à la Comédie Française : Tante Marie. Pièce de théâtre, ou plutôt suite de tableaux dont l’ensemble évoque toute une destinée, celle de certains êtres marqués pour être les éternels sacrifiés. Celle qui sera « Tante Marie » est au premier tableau la grande sœur, ou, comme aurait dit Jules Lemaitre, l’aînée, celle qui, le jour où les parents vont à leurs plaisirs, garde les enfants ; celle qui, lorsque l’amour passe auprès d’elle, c’est pour aller à une autre ; celle que nous retrouvons garde-malade de son père, puis recueillie par une sœur sur le pied de parente pauvre, et, le pli étant pris, souffre-douleur de la génération nouvelle comme elle l’a été de la sienne et de celle qui l’a précédée. Tante Marie est une œuvre de fine sensibilité, d’une observation aussi juste que mélancolique.

 

Des deux prix du Budget nous avons eu le regret de ne pouvoir décerner celui qui est réservé à une œuvre de prose, faute d’avoir trouvé un mémoire à la hauteur du sujet proposé, Le génie colonisateur de la France, que nous persévérons à tenir pour un magnifique sujet et que nous remettons au concours pour l’année prochaine.

Nous avons été plus heureux avec le prix de poésie. M. Edmond Rocher dans un beau poème, Ici vécut Ronsard, a célébré celui dont il est un fervent disciple et un familier. A son école il a appris cet art de l’alexandrin classique dont on s’efforce aujourd’hui, non sans succès, de désorganiser la puissante et souple harmonie.

A Ronsard dont les vers braveront tous les temps
Par leur magique accent de jeunesse qui dure,
J’offre
ce chant tramé de songe et de printemps
Et ce poème que j’appends
A son front couronné d’une austère verdure.

Et il a soin d’insérer, parmi ces grands vers, quelques-unes de ces strophes lyriques dont la Pléiade créa une si charmante variété.

Un îlot, une pelouse,
Que jalouse
L’âme éprise du passant,
Une miniature d’île
Si tranquille
Que l’œil va la caressant.

Est-ce à Ronsard, est-ce à Hugo ou à Musset que nous fait songer ce rythme, agile et gai ? De vieux mots, de ces mots dont un La Bruyère et un Fénelon déploraient déjà la perte, concourent à créer ici une atmosphère de poésie savoureuse et qui garde en son allure traditionnelle une fraîcheur de jeunesse.

Parmi beaucoup de livres consacrés à l’histoire de notre littérature, l’Académie ne pouvait manquer de distinguer celui que M. Italo Siciliano publie sous le titre de Villon et les thèmes poétiques du moyen âge. Qu’un étranger, fût-ce un Italien, possède une connaissance si approfondie et si complète de notre littérature, nous en sommes moins encore étonnés que nous n’en sommes fiers. Et nous admirons qu’il ait tenu à écrire cette grande étude directement en français, disons : dans le français le plus pur et de la plus élégante correction. Autour de Villon et pour le replacer dans son milieu, c’est toute la littérature du moyen âge que l’auteur évoque, faisant ainsi de son livre un répertoire des idées et des sentiments dont Villon a reçu l’héritage et que son génie a immortalisés.

 

Le prix Paul Flat se divise en deux prix, l’un pour le roman, l’autre pour la critique.

Au côté roman, M. Bernard Nabonne, pour son livre, A la Gasconne, roman éminemment romanesque qui se déroule dans le cadre d’un château plein d’une horreur secrète et met en scène une jeune aristocrate amoureuse d’un paysan, d’ailleurs habile à manier le revolver avec quoi cette jeune personne abat le châtelain qui lui a ravi son honneur. De l’imagination et de la jeunesse.

Au côté critique, M. Robert Brasillach. Le prix Paul Flat n’admet que des lauréats n’ayant pas atteint la quarantaine. Celui-ci est un moins de trente ans. C’est dire qu’il appartient à cette génération d’après-guerre, dont il est convenu qu’un abîme la sépare de celle qui l’a précédée, comme si l’histoire de la littérature n’était pas celle d’une continuité où les révolutions, en apparence les plus soudaines ont de lointaines racines et sont l’aboutissement de lentes préparations. M. Robert Brasillach n’est pas de ces modernistes cent pour cent, qui font de leur ignorance du passé le principe de leur critique. Normalien formé à l’école des humanités, il a débuté par un livre sur Virgile, avant de se muer en historien du cinéma. Son récent volume de Portraits est un livre de critique pénétrante et parfois piquante, où l’auteur, interprète des admirations de ses compagnons d’âge, se garde pourtant de rien sacrifier de la lucidité et de l’indépendance de ses jugements. Quand nous aurons loué son art de la composition et l’agrément de son style clair et vif, nous aurons indiqué quelques-unes des raisons qui font de lui l’un des représentants le plus justement estimés de la jeune critique.

 

J’arrive à nos prix d’ensemble. Le prix Vitet, par une attraction toute naturelle, est allé au livre dédié par M. Maurice Parturier à la mémoire de Vitet lui-même. C’est un recueil des lettres que Mérimée adressait à cet inspecteur des monuments historiques et qui révèlent dans le sceptique et ironique auteur de Carmen et de Colomba, un ardent défenseur des chefs-d’œuvre de notre architecture.

M. Maurice Brillant, qui reçoit le prix Née, est bien connu du monde des Lettres pour avoir été pendant vingt ans secrétaire du Correspondant. Il y a, sous la rubrique Les Œuvres et les Hommes, suivi l’actualité au théâtre, dans la musique, les beaux-arts et même la chorégraphie. Or, ce chroniqueur, si attentif aux choses du jour, n’est pas moins renseigné sur celles de l’antiquité la plus reculée. L’épigraphie grecque n’a pas de secrets pour lui. C’est ainsi que l’auteur des Années d’apprentissage de Sylvain Briollet, roman de mœurs de province et de milieux ecclésiastiques qui connut un beau succès, est aussi bien celui d’un livre d’archéologie sur les Mystères d’Eleusis. Notre époque est celle de la spécialisation à outrance. L’Académie reste fidèle à l’idéal de la culture générale ; elle sait gré à M. Maurice Brillant d’en perpétuer la tradition.

M. Marcel Barrière reçoit un prix d’Académie en récompense de l’effort qu’il apporte à continuer son œuvre de romancier dans des livres de la plus noble inspiration.

Mme Henriette Charasson tient une place éminente dans la littérature féminine. Poète en prose, dans ses recueils, l’Attente, les Heures du foyer, Deux petits hommes et leur mère, Mon seigneur et mon Dieu, ce qu’elle célèbre c’est l’amour conjugal et maternel, la tendresse familiale, le sentiment religieux. Mais il s’en faut que son activité littéraire s’enferme dans un seul genre. Critique, essayiste, journaliste, elle a débuté au Mercure de France par un remarquable article sur Jules Tellier. Au théâtre, sa pièce de début, le Saut du diable, lui a valu votre suffrage sous les espèces du prix Paul Hervieu, et elle excelle à la pièce en un acte. Or, parmi beaucoup d’hommages qui ont été rendus à son talent, voici, je pense, celui qui l’a rendue le plus fière. A l’Université catholique de Washington a été soutenue, sous le titre de Mme Henriette Charasson apôtre du foyer chrétien, une thèse de doctorat. « Je sens que je deviens dieu » disait le César antique. Quelle satisfaction pour un auteur de sentir qu’il devient sujet de thèse pour le doctorat !

Le nom de Mme 1e Noëlle Roger nous est cher depuis qu’au début de la guerre dans ses Carnets d’une infirmière, elle fut la première à recueillir, sur les lèvres de nos blessés, de ces mots qui peignent une âme. La guerre terminée, commence pour elle une carrière de romancière. Elle s’est aperçue qu’au lendemain d’un si universel bouleversement le monde est changé. Désormais ses romans, du Nouveau déluge au Nouveau Lazare, sont des romans d’anticipation où elle essaie d’imaginer ce que pourra être le monde où nous entrons. N’oublions pas un autre aspect du talent de Mme Noëlle Roger : ses travaux sur l’histoire de notre littérature. Fille de Théophile Dufour, elle a présidé à cette publication de la Correspondance générale de Jean-Jacques Rousseau, éditée par M. Pierre-Paul Plan véritable chef-d’œuvre d’une érudition qui sait rester attrayante sans rien perdre de sa solidité. En attribuant à Mme Noëlle Roger un prix d’Académie, dont son œuvre variée et de si belle tenue est si bien digne, nous avons de surcroît la joie de saluer en elle une grande amie de la France.

 

Le prix de Langue française, destiné à ceux qui travaillent à l’expansion de notre langue à l’étranger, récompense, chaque année, quelques-unes de ces Œuvres missionnaires qui ne cessent, au milieu des pires difficultés, de travailler pour la France.

Voici les Petites Écoles de la montagne libanaise du P. Delore. Ce sont, s’échelonnant de la côte à la montagne, dans de pauvres villages, d’humbles écoles installées dans des cabanes en pierres sèches. En toutes saisons, par tous les temps, son bâton à la main, le Père Delore parcourt la montagne, visite ces écoles dont plusieurs sont entièrement à sa charge, lui seul payant de ses deniers les réparations urgentes. Or ces écoles branlantes sont la base de notre action au Levant, et c’est grâce à elles que nous pouvons entretenir ces foyers de haute culture que sont nos écoles supérieures de Beyrouth.

Et voici, entre la mer et le Liban, sur la colline dominant le quartier le plus pauvre et le plus populeux de Beyrouth, l’École française des Sœurs de Saint-Vincent de Paul. Dix filles de la Charité se consacrent à un millier d’enfants, leur enseignant, avec notre langue, l’amour de la France. Que ces dévoués serviteurs de la grandeur française le sachent bien, nous sommes les premiers à déplorer la modicité de l’aide matérielle que nous pouvons leur apporter. Qu’ils y voient surtout un signe de l’admiration reconnaissante avec laquelle nous nous associons à leur tâche hautement patriotique.

Nous nous plaignons souvent, Messieurs, et à trop juste titre, que chez nous la propagande, comme il est convenu de l’appeler, soit si négligée, laissant la place libre à des rivaux qui n’imitent pas notre discrétion. Raison de plus pour signaler l’effort d’initiatives privées qui font, elles, d’excellent travail.

L’une des plus anciennes est l’Alliance française. Au moment où celui qui fut pendant seize ans son secrétaire général, M. Paul Labbé, prend sa retraite, vous n’avez pas voulu le laisser quitter son poste sans le remercier de son inlassable activité. Sans cesse en quête des moyens d’élargir le champ d’action de l’Alliance, on le voyait sur toutes les routes du inonde, de l’Afrique du Nord aux États-Unis et au Canada, en Hollande, à Barcelone, à Prague, hier encore à Copenhague, partout où sa présence pouvait rallier de nouveaux amis à la France. Sa plus grande réussite, ce fut le Congrès organisé dans un des palais de l’Exposition coloniale : 220 villes de l’étranger de 43 pays différents y envoyèrent des délégués, ce qui constitue, d’un terme que votre Dictionnaire me permet d’emprunter au langage des sports, un magnifique record.

De fondation plus récente, le Comité France-Amérique, créé par M. Gabriel Hanotaux, a joué tout de suite un rôle de premier plan. Établir des relations sociales, économiques, littéraires entre la France et l’Amérique, les aider ainsi à se mieux connaître et à se rapprocher, tel est son programme. Il donne dans sa « Maison des Nations américaines » de brillantes réceptions en l’honneur des personnalités américaines venant en France. Et il dirige vers l’Amérique des missions de grand style, dont la dernière fut la mission pour le 4centenaire de la découverte du Canada par Jacques Cartier. L’utilité de telles relations éclate à tous les yeux, pour dissiper les malentendus, déjouer les manœuvres de ceux qui ont intérêt à nous désunir, et sceller entre France et Amérique l’étroite amitié dont l’une et l’autre ont donné tant de preuves inoubliables.

 

C’est votre honneur, Messieurs, de veiller si attentivement sur les destinées de la langue française. Cette langue qu’on s’accordait jadis à considérer comme universelle, vous tenez à honneur de lui conserver son rang. Par quels moyens combattre le recul dont elle est menacée en divers pays par des influences hostiles ? C’est à les rechercher que vous venez de consacrer plusieurs séances, profitant des loisirs que vous a faits l’achèvement de votre Dictionnaire. Multiplier les relations, fonder des comités, subventionner des écoles, rien de tout cela ne saurait être sans effet. Il reste que la propagande la plus efficace est sans doute celle qui se fait d’elle-même par le spectacle, — à jamais souhaitable, — d’une nation unie et mettant au-dessus de tout l’intérêt général et le souci de la grandeur de la patrie. Une autre est celle qui réside dans le prestige de l’esprit français. Et cela nous ramène au sujet de nos concours littéraires. Leur raison d’être est de tirer de la foule et de signaler à l’attention publique les livres dont la haute tenue littéraire et morale témoigne en faveur de notre pays. En les distribuant, le but que vous avez sans cesse devant les yeux est cela même : encourager et maintenir la tradition d’une littérature en qui la France ait une bonne ambassadrice.