Remise de la médaille Machado de Assis à l’Académie française

Le 7 juin 1973

Maurice GENEVOIX

RÉPONSE

de

M. Maurice GENEVOIX
Secrétaire perpétuel

au nom de l’Académie française

 

Monsieur le Doyen et cher Confrère de l’Institut de France,
Messieurs les Délégués de l’Académie brésilienne,
Monsieur l’Ambassadeur du Brésil,
Monsieur le Président (Et je veux vous saluer l’un et l’autre, dans la circonstance qui nous réunit, comme membres de l’Académie brésilienne),
Mes chers confrères,
Mesdames, Messieurs,

C’est pour moi un grand privilège, dont je ressens vivement l’honneur et le plaisir, de vous remercier, au nom de l’Académie française, de celui de Roger Caillois et enfin personnellement, du geste que vous venez d’accomplir et dont nous sommes si vivement touchés. J’aurais voulu, nous aurions voulu vous recevoir dans notre salle des séances. C’eût été, dans le droit fil de notre présente rencontre, une heureuse conjonction d’intimité et de solennité : une réunion habituelle simplement un peu élargie, dans le cadre d’une salle vénérable. Mais si un règlement déplorable s’opposait à ce projet, il n’en reste pas moins que vous êtes ici chez nous, hôtes de l’Académie française, et par conséquent chez vous.

À Dieu ne plaise donc que j’évoque une succession de dates et de faits, que vous savez mieux que personne ! Permettez-moi pourtant de rappeler, même si mes confrères français le savent aussi, que nous avons saisi l’occasion, par vous offerte, de votre 75e anniversaire pour le double hommage qui nous réunit. Double hommage en effet, puisque mes confrères français décernent aujourd’hui par ma voix à l’Académie brésilienne la Médaille de l’Académie française. Médaille encore symbolique, mais que j’aurai bientôt l’occasion, Monsieur l’Ambassadeur, de confier à vos mains, matérielle et réalisée par les soins de notre monnaie nationale, notre voisine.

Votre Académie, Messieurs, a été constituée à l’image de la nôtre. Elle compte, comme la nôtre, quarante membres et elle s’est tenue à ce chiffre de sa naissance jusqu’à ce jour. Rappellerai-je encore que son premier président a été Machado de Assis, grand romancier que le Brésil continue de tenir pour son meilleur écrivain ; et même — car c’est la vérité et cela nous rapproche davantage — que c’est le gouvernement français qui, en 1923, a fait don à l’Académie brésilienne du bâtiment, inspiré de notre Petit Trianon, où elle siège encore aujourd’hui ?

Tout cela est de l’ordre des faits. On relèverait bien d’autres similitudes dans celui de nos mutuelles activités. Mais je voudrais, si brièvement que ce soit, m’avancer un peu au-delà. Aussi bien aurai-je dit l’essentiel en citant simplement ces lignes de Machado de Assis, sorte de charte morale qu’il vous plaît de relire, Messieurs, à chaque séance commémorative de la fondation de votre Académie. « Notre désir est de conserver, dans le milieu de la fédération politique, l’unité littéraire. Une telle œuvre exige non seulement la compréhension publique, mais encore et surtout votre constance. L’Académie française, que celle-ci prit pour modèle, survit aux événements de toute nature, aux écoles littéraires et aux transformations civiles. La vôtre tient à conserver les mêmes forces de stabilité et de progrès. »

Ce texte date de soixante-quinze ans. Il est merveilleusement actuel. Il a été relu à votre séance du 22 août 1972, sous la présidence de M. Emilio G. Medici, Président de la République du Brésil et de M. Austregesilo de Athaydé, Président de votre académie.

Notre confrère Roger Caillois avait l’honneur de nous y représenter. Il a marqué dans son allocution que « depuis le début des temps, l’esprit, pour le bon cheminement de ses démarches, a besoin de solitude, de silence et d’un refuge qui le mette à l’abri des rumeurs, des passions, des fanatismes, des haines, et de toute excitation importune capable d’obnubiler le jugement ». Et il citait, avec juste raison, ces mots que votre premier Secrétaire Général, Joaquim Nabuco, prononçait lors de votre séance inaugurale, le 20 juillet 1897 : « La meilleure garantie de la liberté et de l’indépendance intellectuelle est de rester unis avec l’esprit de tolérance qui anime ceux dont les avis s’opposent en matière d’art et de poésie. »

Messieurs, croyez-le bien, au nom de l’Académie française, je vous dis grand merci. Je vous salue personnellement, amicalement, chacun de vous et tous les cinq, membres les uns et les autres de l’Académie brésilienne. Mais j’unis vos collègues et les nôtres dans la même vocation d’humanisme, qui nous rapproche et nous rassemble dans ce monde trop déchiré. Puissent ces médailles être ainsi les symboles durables de cette vocation commune, qui nous engage et qui nous oblige.