Colloque international Georges Duhamel et l'idée de civilisation

Le 4 mars 1993

Jean BERNARD

Colloque international

Georges Duhamel et l’idée de civilisation

Communication

de

M. Jean Bernard
Délégué de l’Académie française

Paris, le 4 mars 1993

 

 

M. Maurice Druon, retenu ce matin à l’étranger par un engagement accepté depuis un an, m’a demandé de vous présenter ses excuses, de vous dire ses regrets. Doublement.

Il occupe le trentième fauteuil, le fauteuil de Georges Duhamel auquel il a directement succédé et, comme le fut Georges Duhamel, il est secrétaire perpétuel de l’Académie.

Je suis bien peu apte à le remplacer vraiment. Mais je suis heureux de dire l’admiration que j’ai pour Georges Duhamel depuis le temps lointain où je découvrais le vent sur la place du Panthéon avec Salavin, ou les étudiants en médecine de La Pierre d’Horeb ou les Pasquier. D’autres sauront bien mieux que moi louer l’œuvre littéraire de Georges Duhamel. Je voudrais seulement rappeler tout ce que l’Académie française lui doit.

Georges Duhamel lui a certes apporté son grand talent, sa loyauté. Il est reçu à l’Académie le jeudi 25 juin 1936, un jour chaud et orageux. Il fait l’éloge de ses deux prédécesseurs, fort différents de lui, René Bazin et l’historien Lenôtre qui, mort prématurément, n’avait pu siéger. Il salue la diversité de la France : « Pour que la France soit la France, il faut que Gérard de Nerval rêve et que Boileau disserte, il faut que Bossuet tonne et que Verlaine soupire. Pour que notre pays soit le surprenant pays que nous admirons, il nous faut saluer tour à tour Pascal et Diderot, Paul Claudel et André Gide. »

Georges Duhamel est à l’Académie un des témoins, un des acteurs d’une des grandes périodes des lettres françaises, siégeant aux côtés de Jules Romains, son vieux compagnon du temps de l’Abbaye, mais aussi de Valéry, de Claudel, de Mauriac, de Maurois.

Mais aussi et surtout, il a apporté à l’Académie son courage, le courage militaire, celui de la Vie des Martyrs, celui du jeune chirurgien d’une ambulance de l’avant, responsable sous le feu ennemi de plusieurs milliers d’opérations, le courage civil, civique de la deuxième guerre, en acceptant, en exerçant, pendant les années noires, les fonctions de secrétaire perpétuel. « Quand on sait ce que cette fonction réclame non seulement de labeur, mais aussi de diplomatie, de discernement et les responsabilités qui lui sont attachées, on admire, écrit Maurice Druon, que Georges Duhamel ait assumé une telle charge dans un temps si troublé, si cruel. Il s’y montra ce qu’il était, homme d’honneur, de courage et d’espérance. » Et permettez-moi, pour terminer, de retenir ce jugement de François Mauriac : « Duhamel pendant l’Occupation fut, au poste officiel qu’il occupait quai Conti, un résistant irréprochable et traité en ennemi par tous les amis de l’ennemi. »