Dire, ne pas dire

Antoine L. (France)

Le 4 décembre 2015

Courrier des internautes

J’ai eu récemment un débat avec un collègue qui employait l’expression « Les commentaires sont inutiles, les images sont de marbre. »

Il me semblait en effet que l’expression « être de marbre » s’appliquait plutôt à une personne dont les  émotions étaient indiscernables.

Voilà l’explication qu’il m’a fournie : de l’Antiquité jusqu’au xe siècle après J.-C. environ, le  marbre était utilisé pour représenter des images fortes et importantes (ex. : les rois utilisaient le marbre pour représenter une image de leur sacre).

De là est née l’expression « être de marbre » dans l’ancien français jusqu’au xive siècle qui s’utilisait  par exemple en énonçant « ce sacre est de marbre » ou encore en reprenant une citation de Clodomir 1er : « Sa puissance est et restera de marbre devant vous peuples à genoux » (en désignant une plaque de marbre qui représentait la sacre de Clovis).

N’ayant pas trouvé de trace de ce sens lors de mes recherches, je me tourne vers vous : pourriez-vous  éclairer ma lanterne ?

Antoine L. (France)

L’Académie répond :

Je n’ai jamais lu cette explication. Si l’on en croit le Trésor de la langue française, les expressions être de marbre et visage de marbre datent du xviiie siècle. Il me semble que dans l’Antiquité, quand on voulait parler de quelque chose qui durait on se référait au bronze plutôt qu’au marbre.

C’est ce qu’on lit dans l’Épilogue des Odes d’Horace : Exegi monumentum perennius aere […] quod possit diruere non imber edax, non impotens Aquilo aut innumerabilis series annorum et fuga temporum (« J’ai achevé un monument plus durable que le bronze […] que ne pourrait détruire ni la pluie qui ronge, ni le fougueux Aquilon ou l’innombrable série des années et la fuite du temps »).

Les images sont de marbre me semble un faux sens. Quand Sénèque, par exemple, écrit imagines marmoreae, il ne parle pas d’images, mais de « statues de marbre ».